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blanc rongé de maladie et de misère, dans ses vêtemens clairs souillés et en loques, — jusqu’au Polonais, élégant de taille et d’allure sous son bonnet carré et son sukman de drap gris à coutures de toutes couleurs. Et voilà les riverains de la Kama, Bachkirs, Michtcheriaks, Vozouls, Voliaks, etc., nomades ou sédentaires, beaux cavaliers, chasseurs de fourrures, pêcheurs dans les marais, buveurs de koumiss, voilà les fiers visages, les riches costumes, l’attitude guerrière des Géorgiens, des Mingréliens !… C’est un voyage-à travers les mœurs, les travaux, la vie intime des paysans de toutes les Russies, et en outre à travers les antiquités slaves, que l’on fait d’une extrémité à l’autre et dans tous les replis de ces immenses galeries dépendantes du Musée Roumiantzov. Je ne crois pas qu’il existe ailleurs rien de comparable. Devant ces gens aussi différens les uns des autres que s’ils appartenaient à différentes parties du monde, différens de physique, de mœurs, de religion, de langue, les uns proches parens des Chinois, les autres pareils à des Persans, d’autres encore à des Grecs ou à des Allemands, que sais-je, une pensée vous frappe et ne vous quitte plus ; c’est qu’il est vraiment impossible que les bureaucrates de Pétersbourg puissent régler d’une façon satisfaisante le sort de peuples si peu homogènes, orthodoxes, musulmans, sectaires.


Avant d’en finir avec les petites industries de village, je voudrais dire encore un mot de celle qui s’est élevée parfois jusqu’à l’art, la fabrication des icônes. Les saintes images sont peintes en grand nombre par les paysans. Dans un seul village du gouvernement de Wladimir, 600 hommes et 200 femmes y travaillent ; dans un autre village, 800 hommes et 400 femmes. Les hommes se chargent de la figure et du cadre que les femmes ornent ensuite de filigrane et de fleurs artificielles. D’un district du gouvernement de Wladimir sortent assez d’icônes pour rapporter net 400 000 roubles ; il y a des icônes à un copek, il y en a de 100 roubles, selon la distance du manœuvre à l’artiste ; les uns comme les autres sont exploités par les colporteurs et les commis voyageurs. Parfois, en travaillant aux icônes, le paysan se découvre des talens plus ambitieux. Il s’en va de côté et d’autre décorer des iconostases. Ces cloisons qui séparent du chœur le saint des saints sont par parenthèse une des principales industries du laborieux gouvernement de Moscou. Mais je