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d’alcool pur à 100°, ce qui est l’équivalent de 60 litres d’eau-de-vie. Le Normand bat, dit-on, le Parisien. Où nous arrêterons nous dans ce match désastreux ? N’est-ce pas, dès maintenant, le cas de nous appliquer le mot de l’Écriture : « Malheur à ceux qui sont des héros pour boire. »

Ajoutons que cette prodigieuse extension de l’alcoolisme est, pour une très grande part, imputable à deux mesures législatives crue l’on peut qualifier de déplorables. La première est la loi du 14 décembre 1875, qui a créé le privilège des bouilleurs de cru ; la seconde est la loi du 17 juillet 1880, qui a supprimé toute entrave à l’établissement des débits de boisson. Le remède le plus efficace à la situation présente consisterait à abroger ces lois néfastes et à rétablir le sage décret du 29 décembre 1851, qui limitait le nombre des débits et soumettait leur ouverture à l’autorisation préalable. C’est la limitation obligatoire qui a tiré de l’abîme les pays du Nord, la Suède et la Norvège et les a régénérés. En Angleterre, ce sont également des mesures limitatives, telles que l’élévation de l’impôt, le haut prix des licences, le droit d’interdiction conféré aux magistrats, qui ont enrayé le mal et l’ont fait rétrograder. C’est d’ailleurs un principe d’expérience que l’on ne vient à bout des passions qu’en accumulant devant elles les obstacles matériels. Sans doute, en ce moment, la coalition des intérêts enlève toute chance de succès aux moyens que nous conseillons. Mais il faut éclairer l’opinion ; et il faut la préparer à cette réforme nécessaire de façon que le sentiment de l’intérêt général triomphe de toutes les résistances.

On peut être parfaitement décidé à remplir ce devoir, en croyant à la valeur alimentaire de l’alcool, aussi bien qu’en n’y croyant pas. On peut conserver assez de liberté d’esprit pour donner à la controverse soulevée par la publication de M. Duclaux la solution quelle qu’elle soit que comporte l’examen des faits.


I

Les problèmes physiologiques, en général, sont infiniment plus complexes que ne l’imaginent les personnes qui ne sont point préparées à cet ordre d’études. Cela est vrai, en particulier, de celle qui est relative au rôle de l’alcool dans l’économie. Et