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Quant aux comités, ils les a déclarés dissous : le territoire bulgare ne devait plus servir de laboratoire à la révolution. Le Sultan s’est montré fort satisfait des mesures prises par son vassal, auquel il a écrit une lettre de remerciemens et de félicitations. Le prince a certainement bien mérité de la Sublime Porte et du Sultan ; mais il est à croire qu’il se serait volontiers passé du témoignage de contentement que ce dernier lui a adressé, car, s’il réprime la révolution, il n’en est pas moins obligé de ménager chez lui l’opinion, et l’opinion bulgare a dû être médiocrement flattée d’un coup de force qui était devenu sans doute une nécessité politique, mais n’en était pas plus glorieux pour cela. Il y a, toutefois, une remarque à faire, c’est que si le prince Ferdinand a arrêté Michaïlowski et Zontchef, il a laissé échapper Sarafof. Celui-ci, soit qu’il se défiât et fût sur le qui-vive, soit qu’il ait été averti à temps par une voie mystérieuse, a pris la fuite vers une destination inconnue. Sarafof, nous l’avons déjà dit, est à la tête des comités révolutionnaires les plus nombreux et les mieux organisés. Son but est de créer une Macédoine autonome et indépendante, tandis que celui de Michaïlowski et de Zontchef est d’annexer la Macédoine à la Bulgarie. Bien des gens croient d’ailleurs que si la première solution était adoptée, à savoir l’indépendance de la Macédoine, ce serait une simple étape vers la seconde. Ils n’ont pas oublié l’édifiante histoire de la Roumélie orientale qui avait été constituée en province autonome au sud des Balkans, et n’a pas tardé, à la suite d’une conspiration qui a éclaté subitement aux yeux de l’Europe étonnée, à proclamer son union à la Bulgarie. On disait d’ailleurs dans ces derniers temps qu’un accord provisoire s’était établi entre Michaïlowski et Sarafof, au moins pour la période d’action dans laquelle on allait immédiatement entrer. Si le premier est prisonnier, le second est libre ; on ne peut donc pas dire que la révolution a été privée de tous ses chefs. Enfin, il y a deux sortes de comités macédoniens. Les uns se sont constitués en territoire bulgare, et ce sont ceux-là que le prince Ferdinand a dissous. Mais il y en a d’autres sur le territoire macédonien lui-même, et ces derniers, qui constituent ce qu’on appelle « l’organisation intérieure, » sont restés en pleine activité. Il est vrai que le prince Ferdinand n’y peut rien : c’est à la Porte seule qu’il appartient de surveiller et de disperser les comités qui se sont formés chez elle. Le prince Ferdinand est en droit de dire qu’il a fait ce qui dépendait de lui, et qu’après avoir donné des gages aussi manifestes de la correction de son attitude, il n’a plus qu’à attendre de sa bonne volonté ou de son esprit politique que le Sultan fasse à