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Il fallait parer au plus pressé. La Russie a exercé à Sofia, et aussi à Belgrade, une action très pressante pour arrêter le gouvernement bulgare et le gouvernement serbe dans la voie révolutionnaire où le premier semblait disposé à entrer et où l’autre l’aurait immanquablement suivi. Et la contagion ne se serait pas arrêtée à eux. La Grèce ne paraît avoir, en ce moment, aucun désir de voir un branle-bas général dans les Balkans ; mais, s’il venait à s’y produire, elle se sentirait obligée d’y prendre part. Ses traditions, ses intérêts, l’opinion qu’elle a très légitimement du rôle qui lui appartient et qu’elle ne saurait déserter, lui feraient une loi de ne pas rester dans l’inertie le jour où les autres peuples balkaniques se mettraient en mouvement.

Nous disions déjà, il y a quinze jours, que l’opinion s’était émue à Athènes de l’oubli apparent où on avait tenu la Grèce pour ne parler que de la Bulgarie à propos des aspirations macédoniennes. C’était l’impression des comités et des journaux. Depuis lors, le second Livre Jaune que M. Delcassé a publié sur les Affaires de Macédoine nous a fait part d’une observation très discrète sans doute, mais pourtant significative, que le gouvernement hellénique nous a présentée lui-même à ce sujet. La publication du premier Livre Jaune français n’a pas été accueillie partout dans le même sentiment. On sait déjà qu’elle l’a été avec mauvaise -humeur et même avec amertume en Allemagne, où on a reproché à notre ministre des Affaires étrangères d’avoir encouragé les aspirations de la Macédoine en s’intéressant publiquement à ses souffrances. Pendant ce temps, une partie de l’opinion en France l’accusait de n’avoir pas assez fait pour cette province. Au cours de la discussion qui vient d’avoir lieu à la Chambre, ne lui a-t-on pas fait un grief de ce qu’il n’a pas profité de l’affaire Lorando-Tubini et de l’envoi de l’escadre à Mitylène pour résoudre à peu près toute la question d’Orient ? Tant il est difficile de contenter tout le monde ! Le second Livre Jaune nous apprend que le premier a été très apprécié à Salonique et à Sofia, ce qu’on pouvait prévoir a priori, mais qu’il a causé quelque affliction à Athènes. M. Skouzès, ministre des Affaires étrangères du roi Georges, en a fait la confidence au comte d’Ormesson. « M. Skouzès, lisons-nous dans une dépêche de notre ministre, a constaté avec inquiétude qu’il n’est fait mention, dans le document publié, que des populations bulgares de Macédoine et aucunement de l’élément grec qui semble oublié ; il redoute que celui-ci ne soit sacrifié aux Slaves plus remuans. » Le comte d’Ormesson a répondu, en termes excellens et que M. Delcassé a