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sensibles que les autres, et ceux qui sont les plus droits et les plus désintéressés ressentent plus vivement les mortifications. Cela ne m’empeschera pas de dire toujours franchement mon avis à Monsieur le Duc de Bourgogne que je ne quitterai pas d’un pas[1]. »

L’adjonction au petit conseil du Duc de Bourgogne, c’est-à-dire à Puységur, à d’O et à Gamaches, d’un homme animé de pareils sentimens, était fâcheuse. Sans aller aussi loin que Belle-rive, qui l’accuse formellement « d’avoir été cause des funestes malheurs qui arrivèrent en Flandre par les mauvais conseils qu’il donna au Duc de Bourgogne et les irrésolutions qu’il lui inspira[2], » il est certain cependant que, par sa mésintelligence avec Vendôme et son opposition perpétuelle à tous les plans que formait ce dernier, il contribua pour beaucoup à augmenter l’indécision naturelle du Duc de Bourgogne et à le jeter dans les perplexités qui devaient être si funestes à la France et à lui-même.


V

Les deux armées qui venaient d’opérer leur jonction comptaient réunies 140 bataillons et 230 escadrons, dont une partie étaient des troupes d’élite, telles que celles qu’on appelait les Vieux Corps et la Maison du Roi. C’était une force imposante, et il semble bien qu’à ce moment un peu de vigueur et de décision aurait pu rétablir les affaires. La situation de l’armée anglo-hollandaise ne laissait pas que d’être pour le quart d’heure assez compromise, et le Roi, ayant appris l’heureuse jonction de Berwick et du Duc de Bourgogne, pouvait, sans excès de confiance, écrire à son petit-fils : « La situation dans laquelle ils (les ennemis) se trouvent est des plus hasardeuses, et je suis persuadé qu’ils voudroient bien n’avoir point attaqué Lille. La bonne volonté que témoignent mes troupes me donne lieu d’espérer un succès favorable. Je l’attends, comme vous, de la protection du ciel, et que Dieu bénisse les motifs qui m’ont fait soutenir si longtemps cette guerre. » Par le même courrier, il

  1. Dépôt de la Guerre, 2 082. Berwick à Chamillart, 13 août 1708 : Chamillart à Vendôme, 14 août 1708 : le même à Berwick, 22 août 1708 ; Berwick à Chamillart, 25 août 1708.
  2. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVI, p. 568.