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qui la composaient. Le grand mouvement national qui avait entraîné l’Allemagne vers la mer aboutissait à une vente à la criée. Un commissaire-priseur, nommé Fischer, fut chargé de l’opération. Les patriotes, affligés de voir disparaître une institution qui symbolisait l’unité, l’appelèrent Flottenfischer, « Pêcheur de flotte. » Il leur semblait qu’il travaillait à détruire les plus vieilles espérances du pays. A Hambourg, les armateurs profitèrent de l’occasion pour se procurer des navires au rabais. C’est aussi à des prix extrêmement minimes que le gouvernement prussien, toujours préoccupé de la défense navale et des dangers de la mer, put acquérir des unités de combat que son programme restreint ne comportait pas, mais dont le bon marché l’avait séduit.

Pendant qu’on s’occupait de constituer une flotte fédérale, la Prusse, sous l’influence du prince Adalbert, n’avait pas cessé de travailler à l’augmentation de sa marine particulière. Effrayé des conséquences qu’aurait pu avoir la guerre danoise, le gouvernement avait songé à organiser sérieusement la protection de ses ports de la Baltique, à armer les côtes, et à se prémunir contre le péril d’un blocus. Une commission spéciale fut nommée pour élaborer de nouveau un plan de campagne. Malheureusement, elle fut tout entière composée de généraux de l’année de terre. L’idée d’une étroite défensive y domina. Il semble qu’on voulût reproduire exactement, bien que des progrès considérables eussent été accomplis, la flottille de Frédéric II. Les bâtimens à vapeur furent provisoirement exclus du programme, qu’on ne voulait ni trop étendu ni trop coûteux. On proposa de construire quarante canonnières, la plupart à rames, dont le rôle devait se bornera une surveillance, d’ailleurs insuffisante, du littoral. La parcimonie du Ministère et des Chambres en réduisit le nombre à dix-huit. Mais si, pour le matériel, on ne fit pas alors tout ce qu’on aurait dû faire, en revanche on posa les bases de cette admirable organisation qui fait aujourd’hui la force de la marine allemande. L’école des cadets fut ressuscitée et restaurée ; on appliqua dans les arsenaux le grand principe industriel de la division du travail.

Les services militaires et les services administratifs furent rendus autonomes. La séparation de « la flotte construite » et de la « flotte en construction » devint un fait accompli. Toute marine se divise en deux grands organismes, nécessairement solidaires,