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tenues secrètes. Le thème exact ne paraît pas en être communiqué aux journaux, et la presse européenne ne le commente pas. On peut augurer, cependant, que cette tactique est très arrêtée et très déterminée à l’avance, si l’on en juge par le nombre relativement élevé des officiers généraux ou supérieurs qui, après les grands exercices d’automne, sont remerciés et rendus à la vie privée pour n’en pas avoir compris les principes ou pour en avoir mal dirigé l’application. Ce qui est indubitable, c’est qu’elle aura pour objectif une offensive énergique : la pensée qui a présidé à la construction des vaisseaux de guerre en est la preuve éclatante. On sait que le problème que doit résoudre l’architecture navale se résume tout entier dans une question de poids. Selon que les poids sont distribués d’une façon ou d’une autre, on obtient plus de vitesse, plus de protection ou plus de force offensive ; quand une qualité est portée à son maximum, les autres doivent être sacrifiées. Bien entendu, on ne les sacrifie jamais tout entières : c’est ce qui fait dire qu’un navire ; est toujours « un compromis. » Dans les bateaux de la future flotte allemande, la qualité qu’on semble avoir cherchée avant toutes les autres, c’est la puissance de l’artillerie. Ils seront, peut-être, les plus formidablement armés de l’Europe. Leur vitesse ; ne dépasse guère 18 nœuds ; l’épaisseur de leur cuirasse de ceinture n’ira pas au-delà de 25 centimètres : il est vrai que Krupp prétend obtenir une résistance double sous un moindre volume. Mais leurs grosses et leurs moyennes pièces seront nombreuses, très protégées, et de fort calibre. Ces dispositions annoncent clairement que les escadres allemandes chercheront à couvrir de feux l’adversaire avant même qu’il ait pu faire usage de ses armes, à l’écraser, dès le début du combat, sous la masse de leurs projectiles. Le principe qui a créé la flotte a inspiré l’aménagement des bateaux. En un mot, il a été résumé : « le meilleur moyen de se défendre, c’est d’attaquer. » Il est certain qu’au seul point de vue de la protection, l’artillerie peut valoir la cuirasse : si l’ennemi est tout de suite démoralisé ou détruit, on n’a plus rien à craindre de ses coups. Quelques-uns des navires de la malheureuse escadre de Cervera, étourdis par la pluie d’obus qui tombait en rafales autour d’eux, n’ont pas même songé à se servir de leurs canons.

Batailles rangées, offensive immédiate et violente, ce sont là, évidemment, les idées directrices de la marine allemande. Il est