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protégé constamment par deux lumières rouges ; de sorte que, s’il tombait « en panne » à peu de distance en avant de la première, la seconde au moins avertirait le train suivant de suspendre sa marche.

Trop hardis d’abord, quelques wattmen brûlaient le premier signal rouge, en se fiant sur le second pour stopper ou ralentir. Mais la Compagnie, soucieuse de l’exacte observance d’un règlement qui assure la sécurité des voyageurs et, par suite, sa prospérité, a organisé un mécanisme grâce auquel tout train, en dépassant indûment le fanal rouge, ferait retentir à la station prochaine une cloche sonore, révélatrice de son infraction.

Le succès du Métropolitain a surpris les prophètes les plus optimistes. Il ne s’agit plus maintenant de savoir si la clientèle sera suffisante pour rémunérer les frais de l’entreprise, mais si l’entreprise parviendra à satisfaire la clientèle, bien qu’elle ait réduit à deux minutes et demie l’intervalle entre ses trains et doublé le nombre des voitures dont chacun se composait. Elle se préoccupe de multiplier aux stations les accès et les sorties. Le chiffre des voyageurs prévus était de 2 millions par kilomètre (140 millions pour le réseau total) et, en 1902, il dépasse 4 millions par kilomètre : 62 122 000 pour les 15 kilomètres exploités. Dans cet effectif entrent 10 millions d’ « allers et retours, » comptés chacun pour un seul ticket, et près de 9 millions de « première classe. » Cette forte proportion de 14 pour 100 de première classe ne se retrouvera sans doute plus dans la ligne des boulevards extérieurs ; mais la circulation populaire la compensera, et déjà la foule, à certains jours, stationne avant de pouvoir entrer. Cet encombrement cessera avec la multiplication du matériel, dont les 385 wagons sont jusqu’ici très insuffisans.

Les trains pourront se succéder à une minute trois quarts d’intervalle en rapprochant et resserrant les signaux ; mais il est probable que, dans quelques années, les stations devront être agrandies et les trains allongés encore. L’arrêt moyen de douze secondes ne sera pas augmenté pour cela. L’éducation du public parisien s’est faite très vite : chacun a compris que la célérité du nouveau mode de transport dépendait de la bonne volonté commune à monter et descendre avec prestesse. Les voyageurs s’éparpillent judicieusement et se développent d’eux-mêmes sur trois ou quatre rangs au plus ; de sorte qu’un train entier, à la place de l’Etoile, se remplit souvent en onze secondes.