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Avec une telle disposition de l’esprit, comment s’étonner du peu de résultats sérieux que donne notre système d’instruction indigène ? À cinquante ans, la plupart des anciens élèves musulmans de nos lycées ne sont plus guère capables d’écrire correctement une lettre en français. Toutefois, ceux qui ont conservé le goût du travail possèdent de remarquables qualités intellectuelles, la finesse, la facilité d’assimilation, et souvent un grand bon sens. Quels services ne pourraient pas nous rendre ces hommes pour le bien de l’Algérie, s’ils étaient plus nombreux et mieux employés ? On juge, par ces résultats de l’instruction secondaire, ce que peuvent être ceux de l’enseignement primaire qu’on a d’ailleurs surchargé de quantité de notions inutiles. La lecture, l’écriture, le calcul et des élémens très sommaires de l’histoire et de la géographie de la France et de l’Algérie, tel devrait être le programme des cours. En revanche, en Kabylie surtout, chez un peuple ingénieux et adroit de ses mains, il faudrait développer largement l’enseignement professionnel de manière à pouvoir pousser les sujets d’élite jusqu’à l’école d’arts et métiers de Dellys, et créer sur quelques points du territoire des écoles destinées à donner aux indigènes des notions sommaires d’agriculture[1].

L’instruction des indigènes a provoqué, à la suite de l’enquête sénatoriale de 1891, le débordement d’opinions extraordinaires ou extravagantes qu’on devait attendre à la fois de politiciens métropolitains plus préoccupés de leurs théories que de la réalité des faits, et de politiciens locaux jaloux d’emboîter le pas à leurs aînés de France ; de pédagogues à l’esprit parfois

  1. On ne saura non plus jamais trop favoriser les cours de médecine pour les indigènes et l’organisation d’un service médical moins rudimentaire que celui qui existe actuellement.