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secondaires, a bien de quoi tenter l’esprit d’un homme d’Etat[1].

L’instruction devant être encore pendant longtemps insuffisante pour opérer un rapprochement sérieux entre indigènes et Européens, il faut en chercher ailleurs le moyen, et, en dehors des questions d’intérêt purement matériel, on ne le trouvera que dans la religion. Quel que soit l’éloignement de l’islamisme pour toute autre croyance, le Coran n’est pas un obstacle absolu à l’établissement d’un modus vivendi, et il n’a pas empêché bien des indigènes, très attachés aux pratiques de leur religion, de nous servir avec une grande fidélité. Le livre sacré des musulmans contient, en effet, un mélange de préceptes souvent contradictoires ; dans certaines de ses parties, il offre une grande et belle morale, qui n’est point inférieure à la morale chrétienne ; mais, dans d’autres, tantôt il outre la dureté des livres de l’Ancien Testament et la pousse jusqu’à la cruauté ; tantôt, et c’est là le point où Mahomet se montre homme politique, il tolère certains faits condamnables, même criminels, pour pouvoir se faire accepter des populations, brutales, passionnées et sauvages.

C’est ainsi qu’il préconise la tolérance : « Point de contrainte en religion ; la vraie voie se distingue assez de l’erreur. » — Et cependant l’Islam, tolérant quand il est faible, devient fanatique quand il a la force. De même, en maints passages, il ne se montre pas hostile au christianisme et il mentionne Jésus-Christ comme un précurseur du Prophète : « Sur les pas des au Ires prophètes, nous avons envoyé Jésus, fils de Marie, pour confirmer le Pentateuque ; nous lui avons donné l’Evangile, qui contient la direction et la lumière ; il contient aussi la direction et l’avertissement pour ceux qui craignent Dieu ; » et dans un autre chapitre : « Tu reconnaîtras que ceux qui nourrissent la haine la plus violente contre les fidèles sont les juifs et les idolâtres, et que ceux qui sont le plus disposés à aimer les fidèles sont les hommes qui se disent chrétiens ; c’est parce qu’ils ont des prêtres et des moines, et parce qu’ils sont sans orgueil. » On pourrait multiplier ces citations ; mais il n’est pas nécessaire d’insister plus longtemps sur une question si connue qu’il y a déjà

  1. Nous passons sous silence l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, donné en Algérie à peu près comme en France, et cependant combien peu certaines parties de cet enseignement (dans l’enseignement secondaire surtout) sont appropriées aux besoins de la colonie !