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était sorti des mains du commissaire. Il était à peu près sans exemple que le Conseil de gouvernement y apportât des modifications, et ainsi se trouvaient revêtues d’une sanction définitive les conclusions plus ou moins fantaisistes d’un fonctionnaire subalterne, de capacité parfois douteuse. On n’a guère l’habitude de voir traiter la question de propriété avec une pareille désinvolture, et l’intervention des tribunaux aurait été tout indiquée en pareil cas ; si la loi de 1873 ne la prescrivait pas, il était facile de la modifier en ce sens, et de ne pas faire trancher d’aussi graves difficultés par des autorités administratives. C’est ce qui se fait en Allemagne, en Tunisie, et en général dans tous les pays où l’Etat croit devoir intervenir dans la question de constitution ou de transmission de propriété. Cette voie avait été ouverte, il est vrai, par le sénatus-consulte de 1863 ; mais de combien de précautions ne s’entourait-on pas alors ? Les opérations sur le terrain étaient soumises dans chaque département à une commission présidée par le préfet ou le général de division, suivant qu’on se trouvait en territoire civil ou militaire, et composée de divers chefs de services départementaux, qui se livraient à un examen sérieux des dossiers ; lorsqu’ils leur semblaient incomplets ou susceptibles de critiques, la commission, avait le droit de se transporter sur place, ou de déléguer un de ses membres pour y contrôler le travail. Le nombre considérable des irrégularités relevées par ces délégués dans certains douars prouve combien les opérations primitives avaient été insuffisantes, et à quel point une révision intégrale et non accidentelle du travail sur le terrain était nécessaire. Les commissions de département n’envoyaient donc au gouvernement général que des dossiers d’où la presque totalité des irrégularités avait disparu, et celui-ci n’avait plus que de très rares observations à présenter. Si donc on avait eu le tort en 1863 de tenir l’autorité judiciaire à l’écart des opérations de constitution de la propriété indigène, au moins avait-on pris soin d’assurer le mieux possible la bonne exécution de cette tâche ; il eût été désirable qu’on agît de même. en 1873.

On objecterait en vain que la lenteur avec laquelle se poursuivaient les opérations sur le terrain, les publications diverses qui étaient faites dans les douars, les longs délais qui séparaient l’achèvement du travail de son homologation permettaient à toutes les réclamations de se produire, mais rien n’est plus contraire à la législation que la pratique journalière. En fait, il n’y avait nulle