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monnaie-marchandise, celle qui porte en elle-même sa propre justification, celle qui, jetée au creuset et transformée en lingot, gardera sa valeur : elles tirent la plus grande partie de celle-ci de l’intervention de l’Etat souverain, qui les revêt de son estampille et leur attribue ainsi une valeur très supérieure à leur valeur intrinsèque. Pour éviter les abus qui pourraient naître d’un pouvoir aussi exorbitant, il a été sagement décidé que les monnaies de cette sorte pourraient toujours être échangées, aux caisses publiques, contre des monnaies à force libératoire : cette disposition permet, à tout moment, de purger la circulation d’un excédent, par le retour en quelque sorte automatique des pièces surabondantes dans les coffres du Trésor.

Il faut observer que les écus de cinq francs ne sont pas, au point de vue de leur valeur intrinsèque, dans une situation meilleure que les pièces de deux francs, d’un franc et de cinquante centimes, sauf que les premiers sont frappés à 900 millièmes de fin, tandis que les secondes n’en contiennent que 835. Jetés au creuset, les écus perdraient à peu près les 3/5 de leur valeur normale ; ils ne conservent celle-ci que par la volonté du législateur, qui ne peut la leur assurer qu’à l’intérieur des frontières, dans les rapports entre Français, pour leurs paie mens aux particuliers ou au gouvernement. Ce n’est plus une monnaie d’exportation, sauf sur le territoire de l’Union latine, c’est-à-dire de la Belgique, de la Suisse, de l’Italie, de la Grèce, pays qui nous sont liés par une convention, en vertu de laquelle certaines monnaies de chacun des cinq États circulent et sont admises, non seulement dans leur pays d’origine, mais chez les quatre autres contractans.

Telle est la situation en France. En Allemagne, elle était à peu près semblable jusqu’en 1900 : mais, à cette époque, le gouvernement impérial a eu le courage de faire un pas en avant et d’achever de retirer de la circulation les thalers (pièces de 3 fr. 75) d’argent, qui avaient une situation analogue à nos écus de cinq francs, c’est-à-dire force libératoire illimitée, et, dont la frappe a cessé depuis plus d’un quart de siècle ; la loi du 1er juin 1900 ordonne que tous les thalers encore existans seront peu à peu fondus et transformés en pièces divisionnaires de cinq, de deux, d’un et d’un demi-marc, qui ne sont admises dans les paiemens que jusqu’à concurrence de vingt marcs. Une fois que les thalers auront ainsi disparu, c’est-à-dire, selon