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l’âme, tandis que le corps bien portant est un hôte. Pascal reconnaissait dans les maladies un principe d’erreur. « Elles nous gâtent le jugement et le sens. »

Ce n’est pas exprimer une espérance chimérique que de dire que la science vaincra la maladie. La médecine, sortie enfin de sa longue attitude contemplative, a entamé la lutte, et la victoire se dessine. La maladie n’est plus la puissance mystérieuse à laquelle il était impossible d’échapper. Pasteur lui a donné un corps. Le microbe est un être saisissable. « Une altération de l’atmosphère, tellement faible, dit Schopenhauer, qu’il est impossible de la révéler par l’analyse chimique, provoque le choléra, la fièvre jaune, la peste noire, maladies qui emportent des milliers d’hommes ; une altération un peu plus forte serait capable d’éteindre toute vie. » Le spectacle, à la fois mystérieux et effrayant, du choléra de Berlin en 1831 fut, dit-on, l’origine du pessimisme du célèbre philosophe. Un autre chef du pessimisme contemporain, Hartmann, a cru, de même, que la maladie serait toujours au-dessus des ressources de la médecine.

L’événement a démenti ces sombres pronostics. L’origine microbienne de la plupart des maladies infectieuses a été reconnue. La découverte des virus atténués et des sérums en a émoussé la gravité ; la connaissance précise des modes de contagion a permis de leur opposer d’infranchissables barrières. Le choléra, la fièvre jaune, la peste, frappent vainement à nos portes. La diphtérie, redoutée des mères, a perdu en partie son caractère inexorable. La fièvre puerpérale, la cécité des nouveau-nés tendent à disparaître. La science terrasse le mal.


V

La vieillesse est une autre tristesse de la condition humaine. Ce stade de l’existence où les forces diminuent pour ne plus se relever, et où apparaissent mille infirmités, n’est pas un état universel chez les animaux. La plupart d’entre eux, sauf les mammifères et les oiseaux, meurent sans présenter de signes bien appareils de l’affaiblissement sénile. Chez l’homme, à la débilité s’ajoute la réduction du corps, le blanchissement des cheveux et des poils, le flétrissement de la peau, et la chute des dents. L’organisme usé et atrophié offre un champ favorable aux maladies intercurrentes et à toutes les causes de