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destruction. — « Tous désirent arriver à la vieillesse, dit Cicéron, et lorsqu’ils y sont parvenus, ils l’accusent ; ils disent qu’elle est arrivée plus vite qu’ils n’avaient compté. La Bruyère l’a redit en deux mots : « L’on espère de vieillir et l’on craint, la vieillesse. » On voudrait une longévité sans vieillesse. Est-ce possible ? M. Metchnikoff le croit. Il entrevoit une évolution normale de la vie qui la ferait plus longue et néanmoins exempte de la déchéance sénile.

On a peu de données scientifiques sur la vieillesse de l’homme et des animaux. Cependant on sait, grâce aux études de Démange en 1886, de Merkel en 1891, et de M. Metchnikoff lui-même, qu’elle s’accompagne d’une altération de la plupart des organes connue sous le nom de « sclérose. » Les élémens anatomiques spéciaux du foie, du rein, du cerveau subissent une atrophie ; en revanche la trame conjonctive qui leur sert de support se développe au contraire, et, en quelque sorte aux dépens de ces élémens plus nobles. Les tissus durcissent et deviennent coriaces. L’étouffement des élémens supérieurs, spécialisés, par les élémens à vitalité banale du tissu conjonctif a pour conséquence la suppression plus ou moins complète de la fonction de l’organe. La sclérose des vaisseaux sanguins, l’artério-sclérose, en particulier, enlève à la paroi de l’artère la souplesse et l’élasticité nécessaires pour la bonne irrigation ; de plus, elle rend le vaisseau plus fragile. Elle est ainsi à la fois une cause d’atrophie et de déchéance des organes, et une cause d’hémorrhagie ; cette dernière très grave, si elle a lieu dans le cerveau ou le poumon.

Il est remarquable que cette altération des tissus pendant la vieillesse soit précisément une lésion fréquente en pathologie. Elle est anatomiquement et physiologiquement comparable à celle qui caractérise un certain nombre d’affections chroniques ; c’est un état pathologique connu. La démonstration est donc faite que la vieillesse, telle que nous la connaissons, est une maladie chronique généralisée et non point une phase normale du cycle vital.

D’autre part, si l’on recherche l’origine habituelle des scléroses qui engendrent les maladies chroniques, on trouve qu’elles proviennent de l’action de virus divers, parmi lesquels le virus syphilitique est au premier rang, ou encore, de l’usage immodéré de l’alcool. Ce sont donc là aussi, sans doute, des causes ordinaires de dégénérescence sénile. Mais, il faut qu’il y en ait quelque autre, plus générale, pour expliquer l’universalité du