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forme : la première seule a une véritable importance. Indubitablement, la nomination des évêques appartient au gouvernement, et son droit ne saurait être contesté. Aussi ne l’a-t-il jamais été. Cela étant, on peut soutenir que le mot nobis est inutile et peut prêter à l’équivoque ; mais il y a lieu de faire remarquer qu’il n’est pas nouveau et qu’il est employé dans les bulles d’institution canonique, non seulement depuis le Concordat de Bonaparte, mais depuis celui de François Ier. En conséquence, lorsque le Concordat de 1802 dit qu’on procédera suivant les formes établies avant la Révolution, il consacre le mot nobis. Depuis 1802, il a été presque constamment employé, mais non pas toujours, et il semble même qu’on y avait renoncé à Rome vers la fin du second Empire. Après les événemens de 1870-1871, une bulle d’investiture porta, au lieu de nobis nominavit, nobis presentavit, c’est-à-dire : nous a présenté, au lieu de : nous a nommé. On a pu croire, cette fois, qu’il y avait eu à Rome une intention de contester au gouvernement de la République le droit de nommer les évêques, et de ne lui reconnaître que celui de les présenter comme de simples candidats. Le cardinal Antonelli s’empressa d’expliquer qu’il y avait eu simple distraction, et qu’un pareil fait ne se renouvellerait pas. Le gouvernement de M. Thiers se contenta sagement de ces explications, dont il fut pris acte dans un décret rendu en Conseil d’État. Il résulte de tout cela que le mot nobis n’a rien de sacramentel, qu’il pourrait disparaître sans inconvénient et peut-être même avec avantage, qu’il serait possible d’en trouver un autre plus exact ; mais aussi que le mot est parfaitement concordataire, qu’il n’a jamais été employé à mauvaise intention, et que c’est faire une querelle mal fondée au Saint-Siège de lui reprocher de s’être conformé à un usage de près de cinq cents ans d’existence. Si M. Combes n’a pas contre le Pape de grief plus sérieux que celui-là, nous doutons qu’il émeuve beaucoup l’opinion avec un mot latin qu’il détourne d’ailleurs de son véritable sens.

Quant à l’entente entre les deux pouvoirs, avant que celui des deux qui a la nomination aux sièges vacans y procède, ce n’est pas une question de principe, mais seulement de conduite. Le gouvernement de la République a le droit de nommer aux évêchés vacans sans entente préalable, directe ou indirecte, officielle ou officieuse, et il aurait raison de revendiquer l’intégralité de ce droit si elle était disputée. Mais il ne s’agit pas de cela. Si le droit de l’État est incontestable, celui de l’Église ne l’est pas moins, et puisque, pour faire un évêque, le concours de deux volontés est indispensable, il est naturel