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Puységur, ses conseillers quotidiens, appuyaient son sentiment auprès de Chamillart. Berwick allait jusqu’à soumettre un plan d’après lequel la ville de Lille serait assiégée et reprise par l’armée du Duc de Bourgogne au printemps, ce qui lui attirait cette réponse un peu ironique de Chamillart ; « Je ne saurais, Monsieur, être du même avis que vous pour songer à reprendre Lille, en supposant qu’il est déjà perdu. Je vous assure qu’il est encore plus aisé de le sauver, dans l’état où il est, qu’il serait d’en faire le siège, s’il était dans les mains des ennemis[1]. »

A aucun de ses projets, le Roi ne voulait entendre, et il répondait au Duc de Bourgogne sur un ton qui sentait l’irritation. « Je ne saurais me résoudre à prendre aucune résolution en supposant la perte de cette importante place qu’il aurait été si facile de conserver si l’on avait traversé les convois des ennemis, particulièrement le dernier. » Après avoir donné quelques indications au Duc de Bourgogne, il continuait : « Je ne vous donne point d’ordres positifs sur ce que vous aurez à faire dans les différens cas qui se présenteront : c’est à vous de les concerter avec le duc de Vendôme et Je maréchal de Berwick ; mais il est de votre honneur de ne pas demeurer dans l’inaction derrière l’Escaut, et de faire tout ce qui sera humainement possible pour ôter à l’avenir aux ennemis tous les moyens de faire passer des convois, soit pendant que le siège de Lille durera ou même après la prise de ladite ville, si malheureusement elle venait à se perdre[2]. » Mais cet énergique langage ne parvenait ni à réveiller le Duc de Bourgogne de sa torpeur, ni, comme nous Talions voir, à corriger la présomption de Vendôme L’échec de Wynendale n’avait pas abattu sa confiance. « Nous allons prendre de si bonnes mesures, écrivait-il au Roi le 30 septembre, qu’il ne passera plus de convoy. Je ne croys pas un convoy de cinq cents charrettes capable de prendre la ville de Lille. » En même temps, il demandait la permission de se séparer du Duc de Bourgogne et d’aller à Gand prendre lui-même le commandement des troupes laissées aux ordres de la Mothe. Le Duc de Bourgogne ne s’y opposait point. Chacun des deux n’était pas taché en secret d’être débarrassé de la société habituelle de

  1. Pelet, Mémoires militaires, t. VIII, p. 461-465-467. Le Duc de Bourgogne au Roi, 1er et 5 oct. 1708. Chamillart à Berwick, 3 oct. 1708.
  2. Pelet, Mémoires militaires, t. VIII, p. 485. Le Roi au Duc de Bourgogne, 7 oct. 1708.