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avoir cet amour du créateur au-dessus de tout, ni du prochain comme lui-même ; » il entreprend modestement de se justifier, article par article, mais en réalité, il convient de presque tout. Il est vrai qu’il est renfermé assez souvent, mais il écrit beaucoup certains jours. La prière et la lecture lui prennent aussi du temps, quoiqu’il y soit moins régulier qu’il ne devrait. Il est vrai que la présomption absolue de Vendôme, ses projets subits et non digérés l’empêchent d’avoir aucune confiance en lui, et que cependant il a trop acquiescé dans des occasions où il devait au contraire décider, joignant en cela la faiblesse à peut-être un pou de prévention. Il est vrai qu’il a quelquefois badiné, mais rarement, et qu’il a souvent perdu du temps. Il est vrai que, pour être bien averti, il aurait dû agir autrement, et qu’il ne l’a pas fait toujours, se laissant aller à une mauvaise complaisance, faiblesse, ou respect humain. Il prend même la peine d’expliquer les ordres donnés par lui à Oudenarde, et pourquoi il n’a pas marché au secours de Lille ; enfin, après cette longue apologie, il continue : « Je m’attends à bien des discours que l’on tient et que l’on tiendra encore. Je passe condamnation sur ceux que je mérite, et méprise les autres, pardonnant véritablement à ceux qui me veulent et me font du mal, et priant pour eux tous les jours de ma vie. Voilà mes sentimens, mon cher archevêque, et malgré mes chutes et défauts, une détermination absolue d’être à Dieu. Priez donc le incessamment d’achever en moi ce qu’il y a commencé, et de détruire ce qui vient du péché originel et de moi[1]. » Quand on lit ces lettres édifiantes, on est touché, ému, attendri, et cependant on sent qu’il y manque quelque chose. Il y manque l’ardeur, la flamme ; il y manque, tranchons le mot, le sens de l’honneur militaire, qui semble, par momens, faire défaut à ce fils de France, et que ni les lettres de la Duchesse de Bourgogne ni celles de l’archevêque ne parvenaient à réveiller en lui.


IV

« C’est dommage que la ville de Lille ait capitulé si tost ; j’en suis pénétré de douleur, » ne craignait pas d’écrire Vendôme à Chamillart, alors que, par ses lenteurs, il était en grande partie

  1. Fénélon. Œuvres complètes. Édition de Saint-Sulpice, t. VII, p. 275.