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V

On peut penser si les événemens qui s’étaient déroulés en Flandre pendant les mois d’octobre et de novembre avaient encouragé et enhardi la cabale. Personne n’osait plus parler ouvertement en faveur de l’infortuné Duc de Bourgogne. « C’est une chose inouïe, écrivait Fénelon, qu’un prince qui doit être si cher à tous les bons Français soit attaqué dans les discours publics, dans les lettres imprimées et jusque dans les gazettes, sans que presque personne ose contester les faits qu’on avance faussement contre lui… Ceux qui devroient n’osent point parler hautement et ceux qui devroient crier pour la bonne cause sont réduits à se taire[1]… » Le Duc de Bourgogne était en effet la victime d’une véritable coalition. Contre lui se prononçaient également les libertins à cause de sa piété, les jansénistes parce qu’il s’était déclaré publiquement contre leur doctrine, les ennemis des jésuites à cause de son confesseur, et enfin les ennemis de Fénelon, parce qu’ils poursuivaient le maître dans l’élève :


Cambray, reconnais ton pupille,
Il voit de sang-froid perdre Lille
Demeurant dans l’inaction.
Toujours sévère et toujours triste.
N’est-ce pas la dévotion
D’un véritable quiétiste[2].


Ceux qui s’en allaient chantant ainsi ne se doutaient guère des conseils, très peu quiétistes, que Fénelon faisait parvenir à son pupille. Dans leurs railleries, les faiseurs de couplets n’épargnaient pas toujours Vendôme :


Sans hasarder en combattant
Et vie et renommée,
L’un toujours jouant au volant,
L’autre en chaise percée,
Par une belle invention,
La faridondaine,
  1. Fénelon, Œuvres complètes. Édition de Saint-Sulpice, t. VII, p. 182.
  2. Nouveau siècle de Louis XIV, t. III, p. 302.