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pour tout ce qui concerne leurs intérêts matériels, n’aient pas encore adopté en masse la combinaison, très simple cependant, qui leur permettrait de s’exonérer de l’hockor sans qu’il puisse jamais être rétabli.

L’assiette du zekkat est théoriquement beaucoup plus simple ; tous les animaux des espèces cameline, bovine, ovine et caprine en sont passibles, d’après un tarif réputé proportionnel à la valeur de la tête de bétail de chaque espèce, bien qu’il soit immuable depuis de longues années, et que pendant cette période, la valeur respective des bêtes de chaque espèce ait subi d’importantes variations.

Le plus grand vice de tous ces impôts, c’est l’extrême difficulté de leur assiette. Au début de notre domination, nous avons accepté les chiffres de l’impôt payé aux Turcs ; chaque chef indigène était alors exclusivement chargé de l’assiette de l’impôt dans sa tribu et, pourvu que le montant en entrât exactement dans les caisses du beylick, on ne se préoccupait pas de la manière dont il était établi. Peu à peu les administrateurs militaires et civils se sont mis à contrôler le travail des chefs locaux ; enfin, depuis une vingtaine d’années, des fonctionnaires spéciaux assez improprement appelés répartiteurs, — puisque les impôts arabes sont des impôts de quotité, et que dans la région kabyle la répartition individuelle leur échappe, — sont chargés de réviser le travail des chefs indigènes. Grâce à la sécurité de plus en plus grande du pays, et à la surveillance de plus en plus sérieuse exercée par l’administration, le produit des impôts arabes proprement dits qui, en 1852, n’atteignait pas 5 millions, s’est élevé progressivement, et il figure au budget de 1901 pour plus de 11 millions. Ce chiffre est cependant bien inférieur à celui qu’ils devraient produire si la matière imposable réellement existante était atteinte dans son intégralité. C’est ici que l’ingéniosité naturelle des indigènes et leurs habitudes de dissimulation peuvent se donner ample carrière. En Algérie bien plus encore qu’en France, le fisc étant l’ennemi commun, tous les moyens sont bons pour le tromper, et la situation est singulièrement aggravée par le fait qu’en ce pays, le fraudeur a pour complice l’autorité chargée de l’assiette de l’impôt.

Dès que l’arrivée du répartiteur dans les douars est signalée, charrues et troupeaux disparaissent dans les broussailles et les ravins ; le chef ne met en évidence que ce qu’il compte faire