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par excellence celui qui convient aux pays neufs, ou d’une civilisation encore peu développée. On ne s’est jamais préoccupé de ces questions, que l’on considère en Algérie comme des détails indignes d’attirer l’attention d’un chef de bureau du gouvernement.

Il est encore un autre point qui eût dû frapper l’attention de l’administration supérieure, c’est la disproportion considérable de l’impôt, suivant les régions. La Kabylie, soumise à la lezma, pays parfois très riche et habité par une population industrieuse, n’acquitte qu’un peu plus du septième du total des impôts indigènes alors qu’elle compte plus du quart de la population non européenne ; l’impôt arabe est donc beaucoup plus lourd que l’impôt kabyle et, en territoire militaire, il atteint parfois des chiffres exorbitans. Nous avons précédemment indiqué les graves dangers de cet état de choses, et il n’est pas nécessaire d’y revenir. Au moins aurait-on pu s’inquiéter d’une situation que tout le monde signale en vain à l’attention du gouvernement général[1].

Au point de vue des Européens, le système fiscal dans ses grandes lignes est sensiblement le même que le nôtre ; il présente toutefois trois différences notables, sur lesquelles il convient de s’arrêter un instant. Elles consistent dans l’absence de tout impôt foncier sur les propriétés non bâties et de tout droit de succession, et dans l’existence d’un impôt spécial de licence, assez mal établi d’ailleurs, bien que récemment modifié, et cumulable avec la taxe des patentes.

Il y a plus de trente ans que l’on songe en Algérie à créer un impôt sur la propriété non bâtie : on trouverait dans les cartons du gouvernement général divers projets qui diffèrent assez peu les uns des autres et auxquels l’établissement d’un budget spécial forcera vraisemblablement l’administration à revenir. Il ne serait guère intéressant d’entrer dans de longs détails sur ces projets, s’ils ne permettaient de constater, une fois de plus, l’absence d’idées directrices, le défaut de ligne de conduite suivie et l’insouciance qui sont les caractéristiques de l’administration algérienne, à tous les degrés de la hiérarchie.

Quand on se préoccupa, sous le second Empire, des questions financières et de colonisation, au lieu de songer à une

  1. Indépendamment des impôts généraux, les indigènes acquittent de nombreuses taxes locales, dont quelques-unes, notamment celle des prestations, sont parfois d’un poids excessif et donnent lieu à de véritables exactions.