Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des officiers ministériels par les Parquets, on ferait rentrer dans les poches des particuliers des sommes importantes qui y sont indûment prélevées aujourd’hui. Cette surveillance n’est-elle point d’ailleurs indiquée quand on connaît la manière dont sont choisis les officiers ministériels en Algérie ? Les influences politiques décident trop souvent non seulement de la nomination, mais encore de l’avancement, car on a cru devoir introduire le principe de l’avancement qui augmente les vices de l’organisation actuelle. Le Parquet général est assiégé de solliciteurs qui négligent pendant ce temps les intérêts de leurs cliens, et de politiciens de profession qui viennent appuyer leurs demandes. Avec une pareille organisation, il est merveilleux qu’on rencontre encore en Algérie des officiers ministériels honorables et intelligens.

En résumé, en introduisant brusquement et sans préparation notre organisation judiciaire et nos lois en Algérie, on a commis une lourde faute, et cette faute s’est trouvée aggravée par l’insuffisance des choix qui ont été faits. Ce ne serait donc point revenir en arrière que de faire table rase d’un certain nombre d’institutions peu appropriées au pays. En même temps, on devrait se préoccuper de rapprocher de nous les indigènes dans l’organisation de la justice. La présence d’un assesseur arabe ou kabyle auprès de nos juges, à la condition qu’il soit choisi avec discernement, ne pourrait que rehausser aux yeux des indigènes la valeur de nos jugemens, et la constitution, pour les affaires criminelles où ils sont seuls en cause, d’un jury indigène soigneusement recruté et appelé, avec des pouvoirs restreints, à formuler un avis, serait un moyen certain de former peu à peu des musulmans, auxquels on pourrait, par la suite, confier les fonctions de dadis. Quant au personnel français, il faudrait exiger de lui la connaissance de la langue et des coutumes du pays, ne pas le déplacer continuellement, et le choisir non pas en vue de satisfaire telle ou telle personnalité, mais seulement en considération de la haute mission qu’il a à remplir.