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servir encore. Du moins, sera-ce tout ? Non. Il faut lire dans les journaux radicaux socialistes à quoi on veut l’employer encore. La Lanterne écrit : « La conséquence nécessaire de l’affaire Dreyfus, c’est la ruine de l’Église. Travaillons-y. » Voilà ce qu’est l’affaire Dreyfus ? Et nous sommes heureux qu’elle soit débarrassée de la personne même de Dreyfus pour pouvoir la prendre en elle-même et en parler plus à l’aise, en dehors de la préoccupation humaine dont le supplice d’un homme l’avait compliquée. Cela était d’autant plus désirable que nous avons en face de nous un ministère qui, sous les coups de fouet dont M. Jaurès le sangle, parle de rouvrir l’Affaire administrativement et, certes, il en est bien capable. La Chambre le lui interdit, il est vrai ; mais M. Jaurès l’ordonne. Nous verrons des deux qui l’emportera.


Nous avons signalé l’intérêt très vif que présente en ce moment la situation économique et politique des Pays-Bas. A la suite d’une grève des ouvriers des chemins de fer, dont les motifs auraient certainement de la peine à être justifiés, le gouvernement a déposé plusieurs projets de loi dont l’un interdit aux employés des chemins de fer, considérés comme chargés d’un service public, l’exercice du droit de grève, et dont les autres frappent de peines sévères toute atteinte portée à la liberté du travail. Le dépôt de ces projets a provoqué dans le monde ouvrier une grande émotion ; mais le gouvernement a déclaré qu’il ne céderait pas, et il a mis sur pied, par le rappel de plusieurs classes, des forces militaires assez considérables pour faire face à tous les événemens qui pouvaient se produire. Les ouvriers ont répondu par des menaces de grève générale : ils ont attendu toutefois pour les exécuter que la discussion des projets de loi fût à la veille de s’ouvrir devant les Chambres. S’ils espéraient faire reculer M. Kuyper, ils connaissaient mal sa ténacité. Le président du Conseil, sûr de sa majorité à la Chambre, a pressé autant que possible, c’est-à-dire autant que le permettent les délais de la procédure parlementaire, la préparation et la discussion de ses projets. Enfin, le moment venu, la discussion a commencé et la grève générale a été proclamée, d’abord sur toute l’industrie des transports, soit par terre, soit par eau, et bientôt sur un certain nombre d’autres industries auxquelles on a plus ou moins réussi à l’étendre, telles que celle de l’éclairage au gaz et même de la boulangerie. Il en est résulté une assez grande gêne et un ralentissement considérable dans la circulation. Certains besoins ou habitudes ont été plus difficilement satisfaits ou desservis. Mais,