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en somme, il est arrivé en Hollande ce qui est arrivé chez nous, lorsqu’on y a récemment proclamé la grève générale : l’épithète n’a pas été justifiée par l’événement. Aucun service public ou privé n’a complètement chômé. On a trouvé des ouvriers de bonne volonté pour remplacer ceux qui refusaient le travail, et leur liberté ayant été garantie d’une manière beaucoup plus efficace en Hollande qu’elle ne l’a été chez nous, il n’y a eu nulle part un arrêt complet de l’activité industrielle. En ce qui concerne par exemple les chemins de fer, un certain nombre de trains ont été supprimés et aucun ne part après cinq heures du soir, mais il s’en faut de beaucoup que la circulation soit interrompue. On use beaucoup des automobiles pour les correspondances, et comme le pays est petit, la plupart des services se font malgré tout : il y a seulement un peu de retard. La compagnie du chemin de fer de l’État annonce qu’elle ne reprendra pas les ouvriers qui se sont mis en grève ; elle a refusé en effet d’en reprendre quelques-uns qui se sont représentés dans les gares, car la grève est à peine commencée et déjà le découragement s’empare des grévistes. Il y a eu dans les rues quelques échauffourées : elles n’ont pas eu jusqu’ici une grande gravité.

Quant au gouvernement et à la seconde Chambre, qui a été saisie des projets de loi, ils continuent avec le plus grand sang-froid l’œuvre qu’ils ont entamée. La Chambre a voté, par 86 voix contre 6, l’article 1er du projet de loi qui punit de peines allant jusqu’à 300 francs d’amende et à neuf mois de prison les attentats contre la liberté du travail ; c’est une énorme majorité. Il est vrai qu’elle ne s’est pas maintenue aussi forte sur la question préalable proposée contre la motion d’un député socialiste, M. Trœlstra, qui demandait l’ajournement du vote sur la loi contre la grève jusqu’à la fin de l’enquête ouverte sur la situation des ouvriers des chemins de fer. Cette fois un certain nombre de libéraux ont voté avec les socialistes et la majorité n’a plus été que de 56 voix contre 33. Enfin l’ensemble du projet a été adopté par 81 voix contre 14. Si les grévistes ont cru intimider les pouvoirs publics comme ils le font si facilement ailleurs, ils se sont trompés. Leur Comité de défense, sentant l’impossibilité de résister plus longtemps, vient de proclamer la fin de la grève. Quoique des protestations s’élèvent de divers côtés et que le parti purement révolutionnaire veuille continuer la lutte, tout fait croire que le gouvernement aura le dernier mot. C’est d’ailleurs ce qui arrive presque toujours lorsqu’un gouvernement sait ce qu’il veut, que sa volonté est légitime, que le Parlement en accepte avec lui la responsabilité, et