Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mettre les évêques en mouvement et d’obtenir d’eux un accord sur une démarche quelconque. Tait, tout en avouant le déplaisir que lui avaient causé « les téméraires et arrogantes spéculations de l’évêque du Natal, » se mit en travers pour retarder ou au moins atténuer les décisions proposées ; il y gagna de rentrer en grâce auprès de Stanley, qui lui signifia son pardon, mais il fut jugé sévèrement d’autre part. Les prélats, ainsi tiraillés entre deux influences opposées, se bornèrent, en février 1863, à adresser à Colenso une lettre collective, signée par quarante et un d’entre eux, dans laquelle ils lui donnaient à entendre que ses opinions n’étaient plus conciliables avec les devoirs de son office, et l’invitaient plus ou moins explicitement à se démettre. Colenso répondit aussitôt qu’il n’était nullement disposé à écouter cette suggestion. Quelques mois plus tard, quand se réunit la Convocation, et que des mesures de répression furent de nouveau réclamées, la même lutte se reproduisit entre Wilberforce, qui demandait une action synodale, et Tait, qui s’y opposait. Cette fois encore, on aboutit à un moyen terme. La Chambre haute de la Convocation, tout en déclarant que « le livre contenait des erreurs du plus grave et du plus dangereux caractère, » sursit à prendre aucune mesure, sous prétexte que ce livre « devait être bientôt soumis au jugement d’une cour ecclésiastique. »

En effet, l’archevêque du Cap, Gray, impatient des divisions et des indécisions de ses collègues anglais, était retourné en Afrique et avait cité devant lui son suffragant Colenso. Possédait-il réellement la juridiction qu’il s’attribuait ? La question était douteuse ; rien n’était moins défini que l’organisation des évêchés coloniaux, et il n’était guère à prévoir que le gouvernement admît facilement, même en Afrique, une sorte d’autonomie ecclésiastique peu en harmonie avec le régime général de l’anglicanisme. Mais Gray ne s’arrêtait pas à ces difficultés. Zélé, courageux, ardent, même un peu emporté et impérieux, il se faisait, de son caractère épiscopal et de son autorité hiérarchique, une idée qui eût été mieux à sa place dans l’Eglise romaine que dans celle d’Angleterre. Il avait d’ailleurs le sentiment très vif du mal auquel son Eglise devait parer, sous peine de s’avouer infidèle à sa mission ; il déclarait « que, si l’évêque du Natal était toléré, l’Église n’avait plus de foi et ne rendait plus un témoignage vrai à son Seigneur. » Colenso refusa de reconnaître la juridiction de son métropolitain et demeura en Angleterre.