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années et faire, à diverses reprises, le sujet des délibérations de l’épiscopat ou même du parlement, sans aboutir à rien de plus décisif. L’Eglise anglicane s’avouait impuissante à faire sa police et à régler ses conflits intérieurs. Gray, n’ayant pu obtenir qu’on consacrât en Angleterre l’évêque qu’il voulait substituer à celui qu’il avait déposé, finit par le consacrer lui-même en Afrique. Mais Colenso ne céda pas, et il en résulta, au Natal, un état d’anarchie et de schisme qui durait encore dans ces dernières années.

Quoi que l’on pensât des Essays et du livre de Colenso, il était un mal que les dernières décisions du Conseil privé mettaient bien en lumière, c’était celui d’une organisation qui, dans des conflits de ce genre, livrait à des tribunaux politiques le pouvoir de décider du dogme et de la discipline de l’Eglise. L’archevêque du Cap, avec sa véhémence accoutumée, résumait la situation en disant : « Ou le Conseil privé détruira l’Eglise, ou l’Eglise doit détruire le Conseil privé[1]. » Dans l’autre camp, à la vérité, on était d’autant plus attaché à la juridiction des cours civiles, qu’on leur savait davantage gré du coup porté par elles à l’orthodoxie dogmatique. Stanley ne tarissait pas sur ce sujet, et d’importans clergymen publiaient en volume, avec une préface de Tait, la collection des jugemens du Conseil privé en matière ecclésiastique, comme s’il s’agissait d’un complément des Credo et des canons de l’Eglise. Ajoutons que le gouvernement ne se montrait nullement disposé à laisser diminuer sa suprématie. Tout annonçait donc que les tentatives de réforme se heurteraient à une puissante résistance. Mais là n’était pas le seul, ni peut-être le principal obstacle. Il était chez ceux mêmes qui eussent voulu poursuivre cette réforme. Vainement Wilberforce, Pusey, Keble échangeaient-ils, sur ce sujet, lettres sur lettres, consultaient-ils des politiques comme Gladstone, des légistes comme Coleridge, mettaient-ils la question à l’ordre du jour des Church congress ou de la Convocation, ils ne parvenaient pas à s’entendre ou même à fixer leurs idées personnelles[2]. Dans des articles publiés sur cette question, en 1864 et 1865, Church reconnaissait combien étaient fondés les griefs des churchmen contre la juridiction spirituelle des cours civiles, mais il montrait le défaut et l’impossibilité de chacun des systèmes proposés,

  1. Life of Bishop Gray, t. II, p. 164.
  2. Life of Pusey, t. IV, p. 49, 83 à 94 ; Life of Wilberforce, t. III, p. 102 à 112 ; John Keble, par Lock, p. 179, 180.