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retour en France, et par celui de 20 000 piastres, qui lui furent offertes par le secrétaire du Conseil des Indes. Château-Renault n’accepta ni l’un ni l’autre de ces dons. Les 12 000 écus furent versés dans la caisse du commissaire de Gastines ; les 20 000 piastres renvoyées à l’administrateur des rentes de Galice. « Je vous avoue, Monseigneur, rapporte l’amiral à Pontchartrain, que ce présent d’argent m’a surpris, m’étant expliqué plusieurs fois que je n’en pouvais recevoir que de Sa Majesté ; » et, confiant au ministre quel eût été son secret désir, il poursuit : « Si l’on m’avait fait l’honneur de m’offrir la même grâce qu’on a faite à M. le comte d’Estrées en le faisant grand d’Espagne, j’aurais espéré que Sa Majesté, l’ayant agréée pour lui, m’aurait fait la grâce de la permettre pour moi et j’aurais espéré qu’étant un avantage très considérable pour ma famille, vous auriez eu la bonté de m’y protéger auprès de Sa Majesté[1]. »

Château-Renault n’obtint point cette grandesse si désirée, mais bientôt il allait recevoir de son Roi un plus éclatant témoignage de satisfaction.

Louis XIV était pleinement fixé sur les véritables causes du désastre de Vigo et le laissait bien percer en écrivant à son petit-fils : « Je ne vous répéterai point ce que vous savez apparemment du malheur arrivé à Vigo. Je m’assure que vous en aurez reçu la nouvelle avec la soumission que nous devons avoir aux volontés de Dieu. Il est maître des événemens : c’est à nous d’adorer ses jugemens ; mais nous devons en même temps à nos peuples nos soins à prévenir les maux dont ils sont menacés. Je ne doute pas que vous ne voyiez ceux que l’Espagne peut craindre des entreprises des ennemis. Il faut y apporter un prompt remède[2]. »

Quelle grandeur souveraine dans cette absence de tout reproche, quelle humilité chrétienne dans cette résignation !

Ainsi, il ne pouvait entrer dans la pensée du Roi de faire peser la responsabilité de ce désastre sur le vieux serviteur dont la calme résolution en avait si habilement limité l’étendue. Pouvait-il d’ailleurs oublier qu’à la nouvelle de l’arrivée des galions, il écrivait de sa main royale au vaillant marin : « Le service que

  1. Château-Renault à Pontchartrain 31 décembre 1702. — Archives de la Marine.
  2. Le roi de France au roi d’Espagne, 10 novembre 1702. — Archives des Affaires Étrangères.