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Avec le Maroc, les rapports sont assez restreints ; l’Algérie n’importe rien en ce pays, dont le commerce avec la France n’a atteint, en 1894, que 14 millions de francs environ ; cela s’explique assez naturellement ; l’Algérie n’exporte que des produits agricoles, dont le Maroc n’a que faire ; quant aux marchandises françaises, elles sont expédiées en grande partie directement sur Tanger, et n’empruntent presque jamais le territoire algérien. Il est bien évident que l’intérêt du Marocain est de s’approvisionner à Melilla, à Tetuan et autres centres de contrebande, et non pas en Algérie, où les denrées coloniales, notamment, supportent des droits élevés. En revanche, les produits marocains pénètrent dans la colonie en franchise et on estime leur valeur à une dizaine de millions par an ; ils consistent principalement en bétail, cuirs, laines et tissus de fabrication marocaine. Cette opération est très normale ; les Marocains, peu en sécurité chez eux, importent chez nous le plus possible ; c’est autant de sauvé des razzias. Une bonne politique nous conseille donc de laisser l’entrée libre aux produits marocains, sur le territoire de notre colonie, sans que cependant nous puissions nous faire de grandes illusions sur les avantages que notre commerce d’exportation peut espérer dans le Moghreb, au départ de l’Algérie.

Du côté de la Tunisie, la situation est juridiquement la même ; les produits tunisiens sont exempts de droits à leur entrée en Algérie. Mais les voies de communication qui existent sur cette frontière, et la sécurité qui y règne, peuvent faire de la Tunisie un lieu de transit pour les marchandises étrangères. L’Algérie se garde donc contre la Tunisie comme contre un pays étranger, et, de son côté, la Tunisie a des postes de douane en face des nôtres. La dénonciation récente des traités italo et anglo-tunisien a sans doute singulièrement amélioré la situation ; mais, tant que l’Angleterre jouira d’un traitement de faveur, c’est-à-dire pendant encore une dizaine d’années, il ne sera pas possible de soumettre la Tunisie au régime de notre tarif général, ce qui doit être l’objectif du gouvernement de l’Algérie, car la disparition des barrières artificielles existant entre elle et la Tunisie constituerait un acte politique de la plus haute importance en affirmant de la manière la plus nette notre prise de possession définitive de ce pays. On ne saurait rien voir de plus humiliant pour nous, au regard de l’étranger, que cette visite de douane pratiquée par des douaniers tunisiens sur les Voyageurs qui sortent