Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générale, soit qu’elle cédât à d’autres considérations moins plausibles, ne sut pas se défendre avec assez d’énergie. Une crise était inévitable. Les emprunteurs, à mesure qu’elle approchait, montraient un appétit toujours croissant, et, en continuant à leur prêter, la Banque, qui croyait éviter la dépréciation des immeubles, aggravait chaque jour sa situation. L’issue était fatale ; à défaut de paiement, la Banque dut exproprier, et, peu à peu, elle se vit à la tête d’un domaine important qui immobilisait une partie de ses ressources, danger plus particulièrement redoutable pour une banque d’émission. Heureusement, on prit des mesures énergiques quand il en était temps encore ; le domaine fut liquidé, quelques années de récoltes abondantes survinrent et, grâce à une direction plus prudente, la situation s’améliora. Il n’en est pas moins vrai que, si la Banque se trouve hors de danger, le crédit agricole est encore peu développé, et que les colons sont trop souvent réduits à tomber sous les griffes de l’usurier, dont la rapacité proverbiale n’est pas une des moindres causes de la vivacité du mouvement antisémitique dans la colonie.

Si telle est la situation des propriétaires nantis de titres réguliers de propriété individuelle (et nous ne comprenons pas parmi eux les indigènes porteurs de titres résultant de l’application de la loi de 1873), combien pire doit être celle de détenteurs de propriétés collectives ! N’ayant aucun crédit personnel, ils ne parviennent à emprunter que sous des formes soigneusement préparées par leurs prêteurs pour pouvoir arriver à bref délai à l’expropriation.

La difficulté, bien que sérieuse, n’est pourtant point insoluble, et, puisque la propriété est collective, pourquoi le crédit n’affecterait-il pas la même forme ? Il y a quelques années, à la suite de mauvaises récoltes, l’un des trois départemens, pour venir en aide aux colons européens, a contracté à la Banque d’Algérie un emprunt de plusieurs millions, qui ont été ensuite répartis par l’intermédiaire des communes responsables entre les intéressés, et recouvrés sur eux par fractions annuelles, dans la forme adoptée pour la perception de l’impôt direct ; à l’expiration de la période fixée par la Banque pour l’amortissement de l’emprunt, le département n’a eu à faire qu’une avance d’une centaine de mille francs, dont la presque-totalité est rentrée depuis dans sa caisse. Cette opération n’a coûté qu’une somme minime au département, et,