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de parti pris le rôle de Cassandre ; heureux si l’avenir nous donne un démenti. L’avenir ! Qui oserait, dans l’état d’inquiétude générale où s’agite le monde, se risquer à le pronostiquer ? Qui oserait dire si les âpres convoitises des nations civilisées, la décadence de leurs qualités morales, et les progrès du scepticisme qui les envahit toutes, ne préparent pas une formidable explosion de la barbarie, et un terrible retour offensif de l’Islam, dont les progrès ininterrompus s’étendent jusqu’à l’Extrême-Orient ? Nous préférons laisser à de plus perspicaces le soin de pénétrer les ténèbres qui enveloppent ces questions et nous bornera esquisser à grands traits les avantages administratifs et financiers qui peuvent résulter pour l’Algérie de son nouveau régime, indiquer les limites nécessaires au développement de notre grande colonie et celles qu’elle ne semble pas pouvoir franchir sans danger.

L’objectif principal de l’Algérie, en réclamant depuis de longues années un budget autonome, est bien connu ; elle veut emprunter. Mais, avant d’y réussir, il faut trouver les ressources nécessaires pour gager le service des intérêts et de l’amortissement de ses emprunts. À ce point de vue, nulle expérience ne peut être plus utile au développement dans l’esprit des Algériens des principes de sage administration que celle qui consiste à les faire participer directement à la gestion de leurs finances. Sans aucun doute, les recettes coloniales sont susceptibles de sérieuse augmentation ; mais il peut être dangereux d’augmenter les impôts dans une large mesure, au moment d’une modification aussi profonde du régime administratif de l’Algérie. On en vient donc tout d’abord à rechercher si, dans les 54 millions de dépenses inscrites au budget de 1901, il n’existe pas des réductions, ou même des suppressions susceptibles de procurer des disponibilités de quelque importance. Le fait n’est pas douteux, et les pages qui précèdent peuvent, à cet égard, fournir quelques indications. Si faibles que soient d’ailleurs les réductions réalisables dans le personnel, elles auront l’avantage de faire comprendre que le temps des créations continuelles d’emplois est passé, et que l’on n’entend plus rémunérer des services imaginaires. Mais cette recherche des économies, si utile et si fructueuse qu’elle soit, ne permettrait pas à elle seule de réaliser les espérances légitimes des Algériens. Peu importerait en effet d’avoir mis un terme aux prodigalités des services généraux, si les départemens et les