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naissance au Maroc, et à maintes reprises nos colonnes ont dû traverser la frontière si peu nette des deux États pour aller châtier des tribus qui étaient venues opérer des incursions ou des razzias sur notre territoire. Les ksours de l’oasis de Figuig sont devenus le refuge de tous les mécontens, de tous les ennemis de la France, et l’autorité marocaine y est elle-même souvent méconnue par le ramas de population qui s’y est fixé.

Pour les indigènes, l’importance de cette position est considérable, car c’est par elle qu’ils communiquent avec les membres de la grande tribu des Ouled Sidi Cheick dont le prestige religieux est si grand dans tout le Sud algérien. Les Ouled Sidi Cheick Gherabas, Marocains d’après le traité de 1845[1], représentant environ le tiers de l’ensemble de la tribu, les Cheragas déclarés Français et comprenant les deux autres tiers ont une grande influence morale et envoient leurs serviteurs religieux jusque dans le Tell, dans le Gourara et au Touat ; mais ce sont des sujets dangereux, d’une fidélité douteuse, et qu’il est essentiel de surveiller très attentivement. Déjà, depuis de longues années, notre politique a eu pour objet de créer sur les territoires des Ouled Sidi Cheick des points d’appui permettant de les tenir en bride : Géryville, Brézina, et Abiod ont été successivement occupés, et la possession de Figuig ne nous est pas nécessaire tant que les autres puissances européennes respecteront la domination du sultan de Fez ou qu’elles ne l’exciteront pas contre nous par leurs intrigues. Cette oasis est en fait presque indépendante, mais, en plaçant à proximité, et sur la ligne ferrée, un solide poste fortifié, on peut annuler en grande partie sa valeur sans toucher au traité de 1845, dont la violation pourrait servir de prétexte à de sérieuses complications. Toute notre action de ce côté doit se porter sur Igli et le Zegdou, dont l’importance est capitale, si nous voulons nous établir en toute sécurité au Touat, au Gourara et au Tidikelt.

Dès 1864, le voyageur allemand G. Rholfs, après avoir exploré ces contrées, estimait que la France devait reporter sa frontière jusque sur le territoire des Doui-Menias, d’où nous viennent une grande partie des désordres et des difficultés habituelles sur cette frontière. Il a fallu attendre jusqu’en 1900 pour que le

  1. Bou-Amama, notre ancien ennemi dans le Sud, appartient aux Ouled Sidi Cheick Gherabas. Cette tribu est en majeure partie affiliée à la secte des Djilalis qui nous est peu favorable.