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terranée, ont décidé qu’elle se rendrait à Marseille au moment où le Président y reviendrait. Les marques de sympathie qui nous sont données prouvent que notre attitude générale au dehors est appréciée comme elle mérite de l’être. Le caractère absolument spontané de ces démonstrations leur donne à nos yeux un prix nouveau. Nous n’avons invité personne à venir à Alger ou à Marseille : ce sont les puissances amies qui ont pris elles-mêmes l’initiative d’y venir. Comment n’en serions-nous pas touchés ?

L’envoi par le gouvernement des États-Unis de son escadre à Marseille a provoqué, bien à tort, en Allemagne quelques susceptibilités assez vite dissipées, mais qui, au premier moment, ont été aigres. Ce n’est pas, bien entendu, que l’Allemagne ait trouvé mauvaise en soi la manifestation des États-Unis ; elle n’a eu aucune pensée de ce genre ; mais un souvenir la gênait, et ce souvenir est tout récent. Il y a quelques semaines à peine, l’empereur Guillaume, apprenant qu’une escadre américaine se rendait aux Açores, a exprimé le désir qu’elle poussât vers le Nord jusqu’à Kiel, et vint assister à une fête navale qui doit y avoir lieu prochainement. Le désir de l’Empereur a été porté, nous ne savons sous quelle forme, à la connaissance du gouvernement de Washington, qui n’a pas cru pouvoir y accéder. Il n’y a eu rien de politique dans cette décision ; à coup sûr, le gouvernement des États-Unis aurait été heureux d’être agréable à l’Empereur allemand, s’il l’avait pu ; mais il aurait fallu pour cela donner un autre caractère aux exercices que l’escadre était appelée à faire, et qui, dans le plan qui en avait été tracé, ne devaient pas la conduire aussi haut ni aussi loin, vers le Nord. C’était là une raison très sérieuse et non pas un prétexte. Le gouvernement de Berlin n’a pas manqué de s’en rendre compte, mais l’opinion est restée émue, sans doute parce qu’elle est aujourd’hui particulièrement sensible à tout ce qui vient d’Amérique. Quelques journaux ont écrit des articles très vifs, et cette vivacité est devenue chez eux de la violence, lorsqu’ils ont appris que l’escadre américaine de la Méditerranée devait se rendre à Marseille. La comparaison entre ce que les États-Unis faisaient pour la France et ce qu’ils avaient refusé de faire pour l’Allemagne semblait, en effet, s’imposer, si on jugeait les choses d’après les premières apparences. Les journaux allemands ont énuméré avec amertume les avances que l’Empereur a faites depuis quelque temps aux États-Unis, qu’il a multipliées, qu’il a même prodiguées, et cela en pure perte : les États-Unis sont restés sur une réserve où l’on sentait de la froideur et même un peu de défiance. — En voilà assez, ont dit ces journaux ;