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distingué, en considération de vous ; vos succès ont retenti sous les voûtes du vieux château féodal, tout comme dans la salle de la Sorbonne, et tout le monde m’en a parlé. Je vous renvoie bien justement les félicitations que j’ai reçues. Nous ne sommes restés qu’une journée à Valençay : partis le matin, nous nous sommes remis en route le soir bien imprudemment : il faisait un temps affreux, et nous avions à faire douze lieues de poste ; heureusement nous sommes arrivés sans encombre. Je savais que vous aviez projeté pour ce jour-là même une expédition géologique, mais combien j’ai craint que vous ne fussiez condamné à rester à Saint-Cloud, et à faire de la géologie dans vos livres ! Ce n’est pas absolument la même chose pour des écoliers en vacances, et surtout pour un étourdi comme Saint-Jean.

Je vous écrirai de Tours où je coucherai, et de Bordeaux où je resterai deux jours. J’espère que je ne recevrai de vous que de bonnes nouvelles. Tout ce que vous me dites de la bonne conduite des camarades me charme au dernier point ; je suis sûr que vous leur donnez l’exemple ; vos lettres ont un air de franchise, d’honnêteté et de bonne conscience, qui ne trompe pas. Adieu donc, mon bien cher Prince ; tout le monde ici vous aime et se joint à moi pour vous souhaiter tout ce que vous pouvez désirer d’agréable pendant les vacances. Je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur.


Poitiers, vendredi 1er septembre 1837.

Mon cher Prince,

Je suis depuis hier soir dans cette capitale du Poitou. C’est une bien vieille ville qui fait effort pour redevenir jeune, mais y parviendra-t-elle ? Imaginez qu’on n’a pas encore inventé ici l’éclairage des rues et que nous avons failli nous perdre vingt fois, Barbier et moi, pendant une promenade que nous avons hasardée après notre souper. Barbier, pourtant, avait habité Poitiers plus de trois ans à l’époque où il était encore brigand de la Loire ; mais il n’en était pas plus savant, et il a appelé cette promenade une de ses mystifications. Du reste, Poitiers aurait mérité d’être vue à fond ; je n’ai fait qu’y passer, il m’en restera le souvenir d’une des plus anciennes et des plus laides villes de France, mais, en même temps, de celles qui méritent le plus d’être étudiées.

Avant d’arriver ici, j’ai parcouru la Touraine ; j’ai été visiter