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physique que vous aviez pour tout ce qui se rattache à cette cruelle nécessité. Vous n’en serez ni moins brave, ni moins dévoué, ni moins habile ; mais vous comprendrez mieux ce qu’il y a de grave dans un pareil jeu. Pour nos anciennes races chevaleresques, dont vous avez tout l’élan et toute l’audace, la guerre était un tournoi perpétuel, et l’important était d’y figurer avec grâce. Aujourd’hui que tout le monde fait la guerre et y commande, nobles et vilains, quand il faut faire la guerre, c’est devenu une besogne sérieuse, l’accomplissement d’un devoir rigoureux et difficile, une carrière où la raison a plus de part que l’enjouement, une rude école, où les lumières ne sont pas moins nécessaires à l’esprit que le courage au cœur. Vous comprenez tout cela, mon bien cher Prince, si j’en crois la lettre que Vous m’avez écrite, et j’y crois, car voire plume ne trompe pas. Aussi, j’abrège : il ne faut pas que je prenne la place de tous ces bons livres auxquels vous avez donné droit d’asile à votre chevet… Vous savez que la dépêche annonçant votre rétablissement définitif est arrivée le 10 juillet à Neuilly, à dîner, au moment où toute l’assistance était levée pour boire à la santé de la Reine. On a doublé le toast à votre intention. Le Roi et la Reine m’ont fait l’honneur de se tourner vers moi, pour me féliciter. La dépêche disait que vous partiez pour Douera : cela seul mêlait quelques nuages à l’allégresse générale ; mais les lettres arrivées mercredi ont rectifié cette nouvelle. Il est bien évident aujourd’hui que vous restez à Alger et que vous n’en sortirez que pour monter sur le steam-boat qui vous ramènera en France avec votre cher 47e, comme vous l’appelez, et comme nous l’appelons tous. À ce propos, Mgr le Duc d’Orléans a dû vous faire savoir qu’il désirait qu’un beau retour fût préparé au régiment pendant son voyage sur Paris. Il a bien voulu m’entretenir plusieurs fois de ses intentions à ce sujet. Son Altesse Royale désire que, dans toutes les villes où vous vous arrêterez, vous traitiez les corps d’officiers qui, vraisemblablement, iront au-devant de vous. Il n’y a pas une autre manière de recevoir le 17e, que d’envoyer partout la garnison des villes au-devant de lui. Il a trop bien servi la cause de la France en Algérie pour qu’on ne trouve pas naturel l’empressement dont son retour sera l’objet. Il faut honorer l’armée d’Afrique tout entière, dans sa personne. Vous serez compris dans la reconnaissance publique ; vous y avez droit, non pas au même degré que le 17e, mais pour