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trouver sa nouvelle assiette. Tenons-nous plus prêts, à l’avenir, à profiter mieux des événemens ; les occasions ne nous manqueront pas. Les États du sud du Mein, notamment, seront d’ici à peu d’années une pomme de discorde ou une matière à transaction. M. De Goltz ne dissimule pas, dès à présent, des convoitises vis-à-vis de ce groupe de confédérés. Aussi je tiens qu’à l’avenir nous pourrions stipuler pour notre alliance le prix que nous jugerons convenable[1]. »

Drouyn de Lhuys s’en vint rejoindre l’Empereur à Vichy. Le malheureux souverain était alors dans une crise effroyable de sa maladie, qui annihilait sa volonté et obscurcissait son intelligence, de telle sorte que le ministre venait dicter des résolutions plutôt que recevoir des instructions. La première qu’il fit prendre fut d’écarter l’intervention de Gortchakof : méditant pour notre compte des annexions, il ne se souciait pas d’autoriser l’Europe à examiner de près celles de la Prusse. Il ne redoutait pas que l’Angleterre facilitât la réunion d’un congrès, il appréhendait davantage qu’elle prêtât l’oreille au projet de déclaration : il l’en détourna.

Bismarck, qui eût été embarrassé et probablement obligé de capituler devant une sommation concertée des trois grandes puissances neutres, n’ayant plus affaire qu’à la Russie, dont il ne redoutait aucune insistance comminatoire, répondit par une fin de non recevoir. Il avait accepté le congrès, avant la guerre, espérant ainsi l’éviter ; maintenant, cet engagement avait perdu toute sa valeur, et il n’admettrait personne à lui contester le prix de sa victoire. Cependant, par déférence envers le Tsar, il chargea le général Manteuffel d’aller à Pétersbourg expliquer les projets et les intentions de la Prusse.

L’Europe congédiée ou indifférente, Drouyn de Lhuys crut pouvoir entrer en conversation avec Bismarck. Il proposa à l’Empereur de réclamer, à titre de compensation, Mayence et la rive gauche du Rhin. Puisque, au lieu d’empêcher les Prussiens et de leur disputer leurs conquêtes, comme on l’aurait pu si aisément, on les avait approuvées, on se croyait le droit de réclamer part au butin. L’Empereur s’enquit d’abord de ce qu’en pensait Benedetti. Drouyn de Lhuys exhiba le résumé suivant des dépêches de notre ambassadeur : « En présence des

  1. A M. Conti, 6 août 1866.