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échanger des coups de canon à 3 500-4 000 mètres. Ni les réserves de corps d’armée, placées à la gauche dans l’ordre de marche, ni la réserve générale, reléguée à la queue de toutes les réserves, n’arrivèrent presque jamais à temps sur le champ de bataille.

Nonobstant cette supériorité de tactique, — car les pièces prussiennes étaient supérieures comme matériel à celles des Autrichiens, — l’artillerie autrichienne ne produisit pas les effets décisifs qu’on s’en était promis : elle ne fut efficace que contre la cavalerie ; après la défaite, elle sauva l’armée par sa ténacité héroïque ; elle ne put assurer la victoire. Son feu écrasant ne parvint pas à arrêter le fantassin prussien. Il subissait des pertes cruelles aux grandes distances ; mais il avançait toujours jusqu’à ce qu’il fût parvenu à bonne portée de tir. Là, il s’embusquait, se couvrant des moindres accidens de terrain, et de loin il abattait servans et attelages jusqu’à ce que les batteries autrichiennes, relativement peu appuyées à cause de leur nombre, fussent Drivées de leurs soutiens et de la plupart de leurs chevaux : alors il s’élançait et les enlevait. A Sadowa, il prit 108 canons. Dans ce temps-là, on considérait comme prouvé que, si une artillerie supérieure augmente toujours beaucoup la force de l’infanterie qu’elle soutient, sa puissance ne va pas jusqu’à prévaloir contre une infanterie supérieure par l’armement et mieux conduite : elle met un prix plus cher à la victoire, elle ne rem-pêche pas. L’action de l’obus est très grande sur le moral ; ses blessures sont affreuses, et elles émeuvent profondément. L’action du fusil, étant moins apparente, ne démoralise pas autant ; mais, en réalité, son effet est infiniment plus meurtrier : sur neuf hommes tués, six sont frappés par la balle. L’infanterie décide donc toujours du sort des batailles. On peut dire comme l’ancien : In pedite robur, ou comme le moderne : Le fanterie sono il nervo dell’ esercito. L’artilleur autrichien a été au-dessus de tout éloge ; mais c’est le fantassin prussien qui a gagné la journée.

Ce qui fut surtout mis en lumière, c’est la nature et les effets de l’ordre dispersé. Les Prussiens sont beaucoup plus appliqués que nous à cacher leurs faiblesses. Néanmoins quelques-uns ont parlé ; d’autres se sont trahis ; des témoins étrangers ont raconté ce qu’ils avaient vu ; l’on a su comment leur infanterie s’est conduite dans les combats. Quelques fractions isolées, dans des circonstances particulières, tels que le 47e régiment d’infanterie