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répondre au boycottage et aux attaques des nationalistes, ils reforment, comme au temps des grandes luttes passées, sous le nom de Land Trust, un syndicat de défense au capital de cent mille livres sterling, pour la guerre aux paysans et à la Ligue.

Ce mouvement de réaction politique et religieuse au sein de l’Unionisme irlandais ne pouvait plaire à tout le monde, j’entends à tout le monde unioniste ; il ne pouvait manquer de provoquer des divisions, ou mieux encore, une véritable crise, au sein d’un parti aussi peu homogène, composé d’élémens aussi divers, landlords et paysans, anglicans et presbytériens, conservateurs et libéraux-unionistes. Longtemps la lutte contre le home rule avait maintenu une apparence d’unité dans le « bloc, » mais, une fois le danger disparu, le « bloc » devait tendre à se rompre, et c’est vraiment un signe des temps de voir qu’en Irlande, sous la pression de l’Impérialisme, tandis que les forces nationalistes se ralliaient et s’unissaient, les forces unionistes, au contraire, se sont désunies et rompues. Voici tantôt huit ans que le parti unioniste détient sans interruption le pouvoir dans l’Empire, avec une énorme majorité au Parlement ; or, loin de gagner du terrain en Irlande, il n’a même pas su y conserver ses positions. Le gouvernement unioniste n’a réussi ni à rallier les rebelles ni à garder ses fidèles en Irlande ; les loyalistes entrent en révolte ouverte contre lui ou ne le soutiennent plus qu’à condition : l’avenir est noir pour l’unionisme irlandais !

Première cassure dans le « bloc : » les paysans presbytériens de l’Ulster sont aujourd’hui en rébellion contre le landlordisme, par suite aussi contre le gouvernement. Écossais d’origine, établis depuis trois siècles dans les comtés du Nord-Est de l’Irlande, longtemps maltraités et persécutés par la « garnison » anglicane, ils se sont définitivement ralliés à l’unionisme, il y a cent ans, après cette courte période de rapprochement avec l’Irlande catholique qui fut le temps des « Irlandais-Unis, » ce qui n’empêche qu’aujourd’hui encore la démocratie de l’Ulster soit tenue à l’écart et comme en disgrâce par le pouvoir conservateur. Simples tenants, comme leurs frères du Sud, ils n’ont d’autre privilège que d’avoir su faire respecter au cours des temps leur tenant right, le droit de copropriété terrienne que leur avait reconnu Jacques Ier dans leur charte d’établissement. Comme leurs frères du Sud et pour des motifs pareils, ils réclament, eux aussi, le rachat général des terres, et leur cause,