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responsabilité, elle incombe au gouvernement bulgare. Le prince Ferdinand n’aurait sans doute pas mieux demandé que de se mettre à la tête du mouvement macédonien, et il l’aurait fait très probablement s’il avait trouvé le moindre encouragement à l’étranger. Mais il s’est tourné en vain du côté de toutes les puissances : il a reçu partout les mêmes conseils de prudence et d’abstention. Le prince est un homme politique ; il a fort bien compris qu’il n’y avait rien à faire, du moins pour le moment ; alors il a donné à l’Europe et à la Porte des gages de ses bonnes dispositions en arrêtant quelques-uns des principaux révolutionnaires et en dissolvant leurs clubs. Mais il a senti aussitôt, ce que d’ailleurs il avait certainement prévu, que, pour satisfaire l’Europe, il mécontentait ses sujets, ce qui est une fâcheuse alternative pour un prince.

Une crise ministérielle provoquée par la démission du ministre de la Guerre est venue lui montrer le danger de sa situation. Il y a aujourd’hui deux tendances contraires en Bulgarie : l’une qui pousse la principauté vers la Russie, l’autre qui tend à l’en rendre indépendante. Le prince Ferdinand a été, au début, un produit de la seconde, puisqu’il a été appelé à Sofia par Stamboulof ; mais il n’a pas tardé à s’apercevoir qu’il ne pouvait durer qu’en s’engageant dans la première, et il s’est peu à peu rapproché de Saint-Pétersbourg au point de s’attirer les bonnes grâces et de mériter la confiance du Tsar. Par malheur pour lui, la politique de la Russie est actuellement engagée tout entière dans les affaires d’Extrême-Orient : la Russie ne veut pas entendre parler des Balkans, elle ne veut pas qu’il y ait de troubles, elle ne veut pas qu’il y ait de révolutions. Mais les révolutionnaires sont impatiens, exigeans, imprudens : ils ont pour eux l’opinion du pays, et surtout, cela est du moins à craindre, celle d’une partie de l’armée. L’incident provoqué par la démission du général Paprikof en a apporté au prince une preuve convaincante. Que faire, entre la Russie qui conseille, recommande, impose l’abstention, et l’opinion publique qui pousse à l’action ? Le prince ne pouvait pas renier du jour au lendemain la politique qu’il a suivie depuis quelques années. Il pouvait encore moins recommencer la faute qui a si mal réussi à son devancier. Alexandre de Battenberg s’était fait l’instrument du parti révolutionnaire ; la Bulgarie en a profité puisque la Roumélie orientale, lui est restée acquise ; mais le prince, qui avait agi sans l’adhésion de la Russie, ou plutôt contre sa volonté, a éprouvé bientôt comme une impossibilité de vivre. Enlevé au-delà de la frontière par un complot militaire, puis rendu à la liberté et à la principauté, il a fini par