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dire, en parlant ainsi, que la Bulgarie n’ait pas le droit d’avoir une politique propre et indépendante. Nous la regardons, au contraire, comme un pays très sérieux, ayant une armée petite, mais solide, et destiné vraisemblablement à jouer un rôle considérable dans les Balkans : seulement, pour cela, il faut attendre l’occasion. La Bulgarie aurait grand tort de laisser croire à l’Europe qu’il existe une solidarité étroite, intime, durable, entre elle et les révolutionnaires qui emploient en Macédoine les procédés qu’on a vus plus haut. Elle se nuirait beaucoup en permettant qu’une pareille confusion se perpétuât à son désavantage. Elle a tout intérêt, au contraire, à reprendre le plus tôt possible une attitude sage et correcte, et c’est à quoi le prince Ferdinand pourra l’aider dès son retour à Sofia. Pendant son absence, la Porte a remis au gouvernement bulgare une note que celui-ci n’a pas voulu accepter, mais à laquelle il ne peut pas non plus se soustraire absolument, note qui le rend responsable de tout ce qui se passe. Les apparences permettent, en effet, à la Porte d’adopter cette altitude comminatoire à l’égard de la Bulgarie, et c’est ce qui prouve que celle-ci a commis des fautes. La voilà obligée de donner des explications et de se défendre : sa situation serait bien meilleure, si, n’ayant pas trempé dans les menées révolutionnaires, elle pouvait prendre en main la cause des réformes, presser l’Europe d’en exiger l’exécution et en appeler à l’humanité tout entière des atrocités qui se commettent en Macédoine. Par malheur, c’est la Porte aujourd’hui qui l’accuse, non sans vraisemblance, d’être l’instigatrice de quelques-unes des atrocités commises. Elle se tourne ensuite vers l’Europe en lui disant : Voilà pourtant ce que font vos protégés !

Pour en finir avec les affaires d’Orient, nous devons dire un mot de l’envoi de navires européens à Salonique, ou à proximité de Salonique. Peut-être cet envoi n’était-il pas nécessaire. L’ordre, sinon la sécurité, est rétabli dans la ville, et le gouvernement ottoman fait, pour l’y maintenir, des efforts qui semblent devoir être efficaces. Néanmoins tout peut arriver ; on comprend que les puissances prennent des mesures pour garantir les intérêts de leurs nationaux, et aussi leurs personnes ; mais il est regrettable qu’elles ne se soient pas entendues d’avance et n’aient pas adopté une attitude commune. L’Autriche et l’Italie ont jugé à propos d’envoyer des navires à Salonique même : ce sont les deux puissances géographiquement le plus rapprochées, et qui par conséquent auraient pu le mieux s’en dispenser. La Russie et la France se sont contentées d’en envoyer à proximité ; les nôtres sont à Milo. L’inconvénient de cette situation n’est