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dans son « Apologie de la Langue française, » la moindre sympathie personnelle pour la France et pour les Français.

C’est donc à titre de sociologue, de « membre, et d’ancien. vice-président de l’Institut international de sociologie, » que M. J. Novicow s’est lassé d’entendre parler de la « décadence des races latines. » Et en effet, depuis quelques années, en France, comme en Italie d’ailleurs, et même en Espagne, dans nos journaux et dans nos Revues, nous n’entendons parler, ou plutôt nous ne parlons nous-mêmes que de notre « décadence. » C’est aussi bien que peu de thèmes prêtent à plus de variations. J’ai là, sous les yeux, tout un livre d’un publiciste italien, M. G. Sergi, sur La Décadence des Nations latines, où, parmi beaucoup de rhétorique et d’assez vaines déclamations, je ne nierai pas que l’on puisse glaner, de loin en loin, quelques utiles vérités. Ce n’est pas toutefois quand il parle du « militarisme, » ni non plus dans ce qu’il dit du « préjugé du patriotisme ! » On peut lire encore, sur ce même sujet de la « Décadence des nations latines » un livre tout récent d’un écrivain français, M. Léon Bazalgette, intitulé : Le Problème de l’Avenir latin, avec cette épigraphe empruntée de Michelet : « Soyons intelligens !… » M. Léon Bazalgette, lui, ne voit d’avenir pour les races latines que dans leur « délatinisation ; » et cela équivaut presque à conseiller aux gens, pour se « perfectionner, » de commencer par se « déshumaniser. » Et pourquoi pas ? si, comme le démontrait dernièrement M. Metchnikoff, nous n’aurions, pour nous assurer une santé meilleure, qu’à nous débarrasser de notre appendice vermiforme, de notre gros intestin, et de notre estomac ? Tout le monde sait aujourd’hui que, par un jeu vraiment diabolique de la nature, notre estomac n’existe qu’en fonction des maladies qu’il nous procure. Semblablement, aux yeux de M. Bazalgette, notre « latinité, » — qu’elle soit au surplus dans notre sang, ou qu’on ne veuille voir en elle qu’une hérédité de culture acquise, — voilà notre misère ! Tous nos malheurs, qui sont au dernier point, ne nous viennent que d’avoir été jadis « romanisés » à fond, ce qui veut dire, dans le langage de M. Bazalgette, « latinisés » et surtout « catholicisés. » Telle est aussi, d’ailleurs, l’opinion de M. G. Sergi, et, sous sa plume d’anthropologiste, les grands mots abondent, ou plutôt les gros mots, dès que le cours de son sujet l’amène à parler de l’Eglise. Il reprochait naguère à nos hommes d’Etat de ne pas procéder contre l’Eglise avec assez de vigueur,