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larynx faits comme eux. À quoi, pour en finir avec les qualités proprement linguistiques du français, il nous permettra d’ajouter que la prononciation en est singulièrement facilitée aux étrangers par la position constante de l’accent tonique. Doit-on prononcer Popolo, avec l’accent sur la première syllabe, ou Popolo, avec l’accent sur la seconde, ou Popolo, avec l’accent sur la troisième ? Un Français n’en est jamais bien sûr, et, en tout cas, il faut qu’il l’apprenne pour chaque mot de la langue italienne ; mais un Italien sait bien vite qu’il lui faut poser, dans Population, l’accent sur la dernière, dans Peuple sur l’avant-dernière, et il le sait une fois pour toutes.

Une langue ne se sépare pas de la littérature à laquelle elle a donné naissance, ou plutôt, et, pour mieux dire, on ne saurait décider qui des deux aide plus efficacement à la diffusion de l’autre, si c’est la valeur d’une littérature qui fait la popularité d’une langue, ou si c’est la qualité d’une langue qui fait la fortune de sa littérature. M. J. Novicow n’a pas tranché la question, ou plutôt il ne l’a pas posée, et il s’est borné à prouver ou à s’efforcer de prouver que « la production littéraire de la France l’emportait sur la production des autres pays et par la quantité et par la qualité. » Les considérations qu’il fait valoir à cet effet sont d’ailleurs intéressantes à relever. Il est intéressant d’entendre un Russe mettre, par exemple, le roman français fort au-dessus, non seulement du roman anglais, mais du roman russe, du roman de Tourguénef, de Tolstoï et de Dostoïevski. Ce n’est pas qu’il s’en dissimule les défauts. « On reproche, dit-il, au roman français, dans ces dernières années surtout, d’être tombé dans un réalisme qui confine de bien près à la pornographie ; » et il ne dit pas le contraire. Hélas ! s’il le disait, c’est alors qu’il nous faudrait nous défier de son impartialité. Mais, fait-il assez justement observer, « si les étrangers préfèrent les romans inconvenans, cela montre, de leur part, une perversité dont il n’est pas juste de rendre la France responsable. » La France ? Non, sans doute, ni le goût français ; mais malheureusement quelques Français, qui font commerce de ce genre d’écrits, et ainsi qui nous abaissent, moyennant une juste rémunération, au rôle de pourvoyeurs de la lubricité britannique ou allemande. On en pourrait dire presque autant du théâtre français, « le seul, dit M. J. Novicow, qui se suffise entièrement à soi-même, » dont les productions « s’exportent » dans le monde entier, qui n’emprunte rien ou peu de chose aux autres théâtres,