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lumière ; et, en fin de compte, l’étude des essences, en général, est arrivée à former un des chapitres les plus étendus de la chimie organique et des plus importans, soit au point de vue de la science pure, soit au point de vue de l’industrie.

La plupart des essences qui jusque-là avaient été considérées comme des principes immédiats uniques et définis ont été reconnues être des mélanges complexes de substances ayant des fonctions chimiques différentes. Ce sont par exemple, des mixtures d’aldéhydes, et d’acides comme l’essence que l’on extrait des amandes amères ; de phénols et d’hydrocarbures comme l’essence de girofle, MM. Charabot, Dupont et L. Pillet ont précisément fondé leur classification des essences sur la fonction chimique de l’élément qui y domine. Parmi les essences qui entrent dans la composition de la liqueur d’absinthe, l’essence de coriandre est formée pour les neuf dixièmes d’un alcool terpénique, le linalol ; l’essence de menthe, d’un corps analogue, le menthol. L’essence d’anis et l’essence de badiane ont pour constituant principal un phénol ; l’essence d’angélique est surtout formée d’un carbure terpénique ; l’essence de fenouil et l’essence d’absinthe d’une cétone.

L’essence d’absinthe est préparée en France, en Algérie, en Espagne et en Amérique, par la distillation des sommités fleuries de l’Artemisia absynthium ; elle est fortement colorée en bleu ou en vert. Elle résulte du mélange d’un assez grand nombre d’élémens dont on a réussi, assez récemment, à débrouiller la complexité. Le principal est la thuyone, substance cétonique qui intervient pour plus de moitié dans sa composition. Il s’y ajoute 10 pour 100 d’un alcool (le thuyol) et presque 20 pour 100 des éthers acétique, valérianique et palmitique de cet alcool ; le reste est formé de carbures résineux.. Dans une thèse récemment soutenue à la Faculté des sciences, M. Charabot a montré combien, dans la plante même, sont variables les proportions de ces divers composans, suivant la période et les circonstances de la végétation. C’est l’oxydation de l’alcool thuyol qui fournit la thuyone. Or, cette oxydation est couverte par le phénomène inverse de l’activité assimilatrice de la chlorophylle dans les périodes de végétation énergique et le thuyol augmente alors par rapport à la thuyone. L’effet contraire a lieu dans les périodes où la végétation de la plante se ralentit.

Ces explications techniques étaient nécessaires pour faire