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des variantes, revêtent des traits spéciaux suivant la nature du liquide absorbé. Un clinicien exercé peut discerner à diverses nuances les effets du vin, ceux des eaux-de-vie et ceux des liqueurs à essence et les séparer cliniquement. C’est ce qu’a fait M. Lancereaux. Il a distingué trois variétés d’alcoolisme : l’intoxication par le vin ou œnilisme ; l’intoxication par les alcools proprement dits, eaux-de-vie, rhums, ou alcoolisme ; l’intoxication par l’absinthe et les liqueurs similaires ou absinthisme. Ces intoxications sont dites aiguës lorsqu’elles sont provoquées par un excès unique et disparaissent avec lui, et Ton peut établir entre elles une nouvelle distinction suivant que cet excès unique se produit chez un sujet qui en est ou non coutumier. Enfin, ces intoxications dues à l’usage immodéré des boissons sont chroniques « lorsqu’elles parviennent à imprimer à l’organisme des modifications sérieuses et durables. »

Ce qui diminue l’intérêt pratique de ces distinctions, c’est l’existence ordinaire des formes mixtes où les traits des tableaux cliniques se mélangent. Il est rare, en outre, que les buveurs se restreignent à une seule catégorie de boissons et lors même que cela arrive, il y a dans celle-ci bien des substances accessoires communes aux deux autres. Il y a dans les eaux-de-vie des bouquets, des éthers, des alcools, qui sont de véritables essences ; et il y en a aussi dans le vin. Les relations sont particulièrement étroites entre les vins et les eaux-de-vie : on sait à quel point celles-ci participent de la composition du vin qui les fournit.

L’œnilisme n’est peut-être pas très distinct de l’alcoolisme, et on peut les confondre tous deux sous ce nom commun. Mais l’absinthisme paraît décidément très discernable de l’alcoolisme. M. Lancereaux et ses élèves ont signalé les traits qui lui sont propres dans ses trois phases.


VII

L’ivresse aiguë de l’absinthe n’est pas celle de l’alcool ; elle est convulsive et accompagnée de perte de connaissance presque complète. Les phases chroniques ne diffèrent pas moins de part et d’autre : en particulier les tares héréditaires transmises par le buveur d’absinthe à sa descendance (épilepsie) sont beaucoup plus précises que celles qui sont léguées par l’alcoolique.