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platonique et par une démarche qui ne l’engageait à rien, nous ne disons pas une préférence, mais même un intérêt quelconque pour la solution chère à M. Hubbard et à ses amis.

Il serait exagéré de dire que le nuage qui obscurcissait le ciel et qui semblait contenir tant d’orages se soit définitivement dissipé. Les radicaux-socialistes sont tenaces ; ils reviendront à la charge et nul ne peut préjuger de l’avenir. Mais les partisans de la séparation de l’Église et de l’État ont livré une première bataille et ils l’ont perdue. Ils avaient choisi leur heure et leur terrain ; tout a tourné contre eux. S’ils ont quelque intelligence politique, ils reconnaîtront qu’ils ont fait fausse route ; qu’ils ont employé des procédés grossiers ; que l’invasion des églises et les atteintes brutales portées à la liberté des cultes sont de détestables moyens de propagande ; qu’ils ont révolté l’opinion au lieu de l’entraîner ; enfin, que leurs plus beaux gestes ont paru de mauvais goût. Ils avaient mérité cette leçon, ils l’ont reçue. Pour ce qui est de M. Combes, s’il considérait la menace de la suppression du Concordat comme une arme utile entre ses mains, il a pu reconnaître à son tour que la lourdeur maladroite avec laquelle il la brandissait avait fait peur à d’autres encore que ceux qu’il se proposait plus spécialement d’intimider. C’est une leçon aussi pour lui, et lui aussi l’a méritée. Quant à l’arme en question, le tranchant s’en est un peu émoussé dans ces exercices imprudens. Aussi comprenons-nous la fureur des radicaux-socialistes. Leurs journaux ont adressé à M. Combes les reproches les plus acerbes. Toutefois, après avoir soulagé leur colère par la violence avec laquelle ils l’ont exprimée, ils ont déclaré qu’ils ne seraient pas assez sots pour renverser un ministère qui faisait si bien leurs affaires et dont ils ne trouveraient peut-être jamais l’équivalent. M. Combes reste donc solide ; pourtant il est diminué. Un président du Conseil l’est toujours lorsqu’il ne fait pas ce qu’il a voulu faire, et que la Chambre agit à sa tête, en passant par-dessus la sienne.

Au surplus, quelle imprudence que d’exciter les passions antireligieuses ! Une fois déchaînées, il est difficile de les arrêter et même de les modérer. M. Waldeck-Rousseau a pu s’en apercevoir, car lui non plus n’a pas fait ce qu’il avait voulu faire. M. Combes est débordé à son tour. Du moins le ministère précédent pouvait-il se vanter, et il ne s’en faisait pas faute, d’avoir rétabli l’ordre dans la rue. S’il avait employé des moyens disproportionnés à l’étendue réelle du danger et à la difficulté du but à atteindre, il avait atteint le but et supprimé le danger. M. Combes, qui aimait autrefois à se dire le continuateur de