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imprimer à nos généraux une impulsion d’une virilité, d’une énergie inoubliables, et sortir victorieux d’une lutte contre l’Europe tout entière.

Mais, à cette époque, nos adversaires opéraient lentement. La guerre n’avait pas encore pris le caractère foudroyant que lui a donné, depuis, Napoléon. Les masses mises en mouvement étaient loin d’atteindre celles de nos armées actuelles ; elles étaient composées de divisions commandées directement par le général en chef : on n’y voyait ni corps d’armée, ni, à plus forte raison, d’armées opérant sons un même chef. Il n’y a pas d’enseignement à tirer de cette période, pour la conduite de plusieurs armées opérant sous un seul commandement.

Il en est de même de l’histoire de Napoléon ; car, pendant presque toute sa carrière, Napoléon a commandé directement ses corps d’armée. Ce n’est qu’en 1812 qu’il a divisé ses troupes en trois grandes masses : à droite, une armée de 140 000 hommes sous le roi de Westphalie, avec mission d’attirer les Russes vers Varsovie ; au centre, 80 000 hommes commandés par le prince Eugène pour appuyer éventuellement la première armée ; à gauche, dans la main de l’Empereur, la grande masse de 300 000 hommes, manœuvrant pour prendre à revers l’armée russe, si le roi de Westphalie réussissait à l’attirer de son côté. Malheureusement, les lieutenans de Napoléon avaient été, jusque-là, habitués à recevoir des ordres d’exécution minutieux. Dans les campagnes précédentes, Napoléon « savait seul ce qu’il voulait faire. » Il n’avait eu ni élèves, ni confidens. Lorsqu’en 1812, ses chefs d’armées improvisés se sont trouvés en présence d’instructions qui ne pouvaient plus renfermer que des indications, des directions générales, ils ont hésité ; ils ont manqué d’initiative, et leurs états-majors aussi. En parlant de celui du roi de Westphalie, Napoléon a écrit lui-même : « L’état-major est organisé de manière qu’on n’y prévoit rien. »

Nous ne pouvons donc encore tirer aucun enseignement de cette organisation hâtive ; sinon que ce serait une faute capitale que de vouloir, dans nos prochaines guerres, improviser le haut commandement des armées et leurs états-majors.

Il faut chercher ailleurs des exemples. Le haut commandement des armées allemandes en 1870, et le grand état-major allemand dirigé par le maréchal de Moltke, vont nous les fournir.