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vingt-six ans que trois chefs : Müffling, Krauseneck et Reyher. Le chef du grand état-major est, en réalité, le chef d’état-major du souverain, qui est à la fois le chef du gouvernement et le chef suprême de l’armée, le généralissime ; il est chargé de préparer l’emploi des forces de la nation, dont le ministre de la Guerre n’est que l’administrateur.

C’est au chef du grand état-major qu’il appartient de proposer au souverain les plans de la préparation à la guerre, et de la guerre elle-même ; de diriger l’instruction des officiers du service d’état-major, pour qu’il y ait unité de doctrine dans l’armée ; de proposer les perfectionnemens nécessités par les événemens, ou par les inventions pouvant avoir une influence sur la guerre ; de surveiller les armées étrangères, de connaître, au jour le jour, leurs progrès, leurs tendances, leurs projets. Pour cela, il dispose en tout temps du grand état-major, composé des officiers qui, à la guerre, formeront l’état-major du généralissime et les états-majors des armées ; de sorte qu’il peut instruire, préparer à loisir, connaître à fond les officiers, qui seront sous ses ordres directs, à la guerre, pour assurer la haute direction des armées ; ainsi que ceux qui seront employés à diriger chacune de ces armées.

Pendant la guerre, le chef du grand état-major accompagne le souverain et l’aide à diriger l’ensemble des opérations.

A partir de sa nomination à cette haute fonction, le général de Moltke ne cesse, d’année en année, de perfectionner l’état-major et la préparation à la guerre de l’armée prussienne ; et, en même temps, d’étudier des projets d’opérations contre les nations voisines ; contre la France surtout, avec laquelle il prévoit et il espère que les Allemands auront à se mesurer tôt ou tard[1]. Au début, ses projets contre la France sont plutôt défensifs ; cependant, dans son mémoire, daté de Berlin, novembre 1861, sur l’importance stratégique des forteresses allemandes, il insiste sur les avantages d’une concentration sur le Main, tant au point de vue offensif qu’au point de vue défensif. « L’offensive, partant du Main, dit-il, est dirigée contre la partie de la frontière française la plus faiblement fortifiée. Si nous pouvons

  1. Sa grande préoccupation est toujours la France. Dans un mémoire du 3 juin 1862, « Offensive contre l’Autriche, la Bavière et la France » (5e volume de sa Correspondance, p. 24), on trouve cette phrase : « Le résultat à atteindre, c’est d’unir de force toute l’Allemagne contre la France. »