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conquérir l’Alsace et la Lorraine, provinces jadis allemandes, il est bien à penser que nous les garderons[1]… » Et ce mémoire date de 1861 ! Il se termine du reste par un conseil de prudence : « On ne peut méconnaître la solidité extraordinaire de notre théâtre d’opérations du Rhin. Elle ne pourrait être compromise que si nous prenions une offensive prématurée sur la rive gauche, avec des forces insuffisantes… »

Plus tard, les conceptions du maréchal de Moltke deviennent de plus en plus offensives. En 1870, elles le sont exclusivement.

Au point de vue de la mobilisation, les circonstances lui donnent d’excellentes occasions de vérification, de perfectionnement : en 1859, pendant la guerre d’Italie, c’est la préparation complète d’une mobilisation contre nous, qui va être exécutée, mais que la fin inopinée de la campagne vient ajourner. Cette expérience n’en donne pas moins des indications très utiles au grand état-major. En 1863, contre le Danemark, les choses vont déjà mieux. En 1866, contre l’Autriche ; et, hélas ! en 1870, contre la France, mieux encore.

En même temps que le Prince régent de Prusse nomme Moltke chef du grand état-major, il donne au général-major de Roon, du grand état-major, les fonctions de ministre de la Guerre. Plus tard, il charge Bismarck des Affaires étrangères.

Le choix de ces trois hommes, auxquels il ne cesse d’accorder sa confiance, et qui l’aident à grandir la Prusse et à fonder l’Empire allemand, suffirait pour faire du roi, de l’empereur Guillaume 1er un des plus grands souverains de l’histoire. Au point de vue de l’armée, il faut encore joindre à ces titres sa sollicitude constante pour le perfectionnement de ses troupes, les sentimens d’honneur et de devoir, dont il était comme la royale personnification aux yeux de ses officiers et de ses soldats, et qu’il a su leur inculquer à un si haut degré.

L’armée prussienne avait un culte pour son vieux et glorieux souverain ; elle le lui montrait en toutes circonstances, surtout aux grandes manœuvres, qu’il a dirigées lui-même jusque dans les dernières années de sa vie.

Une des dernières manœuvres auxquelles il a assisté, a eu lieu, en 1884, dans les plaines du Rhin, entre Düsselorf et

  1. Correspondance militaire du maréchal de Moltke. Édition Henri Charles-Lavauzelle, 1er vol., p. 47.