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Les Stockalper. avaient déjà édifié à Gondo, près du Simplon, leur curieuse auberge, tour carrée de huit étages à fenêtres grillées, où l’on séjournait en cas de tempête. Il y avait une Gasthaus à Grindelwald dès 1781, à Lauterbrünnen dès 1784. Vers la même époque, Saussure note que les capucins du Saint-Gothard, qu’il visita en 1783, commençaient à avoir l’habitude de recevoir des étrangers. Ils ne demandaient rien. « On évalue sa dépense sur le pied de ce qu’on aurait payé dans une bonne auberge, et on laisse ostensiblement sur son assiette ce à quoi l’on s’est taxé. »

Il y avait également des capucins au Righi et, à côté d’eux, d’autres auberges tenues par des particuliers. Frédérika Brun fut la première personne qui ait eu l’idée d’aller y séjourner quelque temps. Elle y passa neuf jours avec ses enfans, au commencement de septembre 1795, à l’auberge du Cheval Blanc. En 1816, on construisit le premier hôtel du Kulm et, en 1820, le Belvédère ; le vieux père Martin Bürgi fut le premier hôtelier du sommet, où il recevait les visiteurs en culotte et en bas bleus, sa grosse figure épanouie d’empressement et de bonne humeur. L’hôtel du Faulhorn fut achevé en 1832. De tout côté les anciens hôtels furent rebâtis et de nouveaux construits. La Suisse devenait de plus en plus à la mode, et, dès 1832, Alexandre Dumas, dont les Impressions de voyage sont souvent plus exactes qu’on ne le croit communément, signalait le développement pris par Interlaken, « point de réunion des voyageurs qui arrivent pour voir ou qui reviennent après avoir vu. »

L’industrie hôtelière aurait, dès lors, acquis en Suisse le développement qu’elle a pris plus tard, si deux causes ne s’y étaient opposées : les difficultés de communication d’abord, et surtout la cherté de la vie. Les voyageurs sont unanimes sur ce dernier point, depuis miss Helena Williams et Ebel, jusqu’à Joanne. « Les voyages de Suisse sont remplis de plaintes sur la cherté des auberges, et certes elles sont fondées, » dit la première ; « on est quelquefois étrangement écorché, » les muletiers ont « des prétentions extravagantes, » les bateliers sont « de mauvaise foi, » dit le second. Joanne fait les mêmes observations ; à Zurich, la malpropreté et la cherté de l’Hôtel de l’Epée « ont excité pendant longtemps… les trop justes réclamations de tous les voyageurs. » Tout se paie, depuis les airs nationaux que chante avec sa nombreuse famille le régent Kehrli, maître d’école de Brienz