Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UNE PAGE
DE
L’HISTOIRE DE L’ANGLICANISME
AU XIXe SIÈCLE

LES DÉBUTS DU « BROAD CHURCH » (1845-1865)


I

L’idée maîtresse de Newman, lors du Mouvement d’Oxford, avait été de combattre ce qu’il appelait, d’un mot plus ou moins bien choisi, le « libéralisme » en religion, autrement dit le latitudinarisme anti-dogmatique. Tout ce que le tractarianisme gagnait dans l’Université était perdu pour le « libéralisme ; » le « libéralisme » profitait de tout ce qui affaiblissait le tractarianisme. Ainsi, à la fin de 1841, le premier échec fait à l’influence de Newman, par la condamnation du Tract 90, avait-il eu, pour immédiate contre-partie, l’éclatant succès avec lequel l’un des représentans de l’école libérale, Arnold, avait inauguré son enseignement comme regins professor de l’Université. Et plus tard, quand le chef du Mouvement se sentit obligé de se soumettre à Rome, l’un de ses principaux sujets d’angoisse fut, comme il l’a raconté lui-même, « le pressentiment » très net que sa sécession amènerait la prépondérance du «  « libéralisme[1]. » Ce

  1. Newman, en effet, a écrit dans l’Apologia, 4e Partie : « La pensée qui m’accabla le plus dans tout le cours de mon changement d’opinions, ce fut un pressentiment clair, vérifié par l’événement, que tout cela aboutirait au triomphe du libéralisme. J’avais employé toutes mes facultés à lutter contre le principe anti-dogmatique… ; j’étais de ceux qui l’avaient, pendant tant d’années, tenu aux abois dans Oxford ; ma retraite était donc son triomphe… Ce n’était pas tout. Ainsi que je l’ai dit déjà, il n’y a que deux alternatives : le chemin de Rome, ou le chemin de l’athéisme. L’anglicanisme est l’étape à moitié chemin d’un côté, et le libéralisme de l’autre. Combien de gens, je ne le savais que trop, cesseraient de me suivre, maintenant que j’allais marcher de l’anglicanisme vers Rome, et quitteraient aussitôt l’anglicanisme et moi pour le camp des libéraux !… La foi dogmatique ne serait-elle pas anéantie, dans les esprits d’un grand nombre, par la destruction de la Via media ? Oh ! combien ceci me rendit malheureux !… »