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de MM. les aubergistes se trouve satisfaite. Déjà un grand nombre de voyageurs abandonnent les hôtels des villes pour les auberges des villages où, tout en dépensant moitié moins, ils ont l’agrément d’être bien accueillis et de passer leur soirée et leur matinée à la campagne. »

La modification désirée allait se produire. On peut déjà constater que les prix avaient relativement baissé depuis Ebel, qui déclarait, en 1817, qu’un voyageur « modeste et économe » pouvait « se tirer d’affaire » avec un demi-louis par jour. Vers 1855 ou 1860, les hôteliers suisses allaient commencer à s’efforcer d’attirer les voyageurs, à la fois par la bonne tenue de leurs établissemens et par la modicité relative de leurs tarifs. Il y eut à cela deux raisons : d’abord les plaintes justifiées dont les auteurs de récits de voyage et de guides se faisaient l’écho ; ensuite l’extension des chemins de fer, qui amena en Suisse toute une catégorie nouvelle de visiteurs, beaucoup plus nombreux, mais beaucoup moins riches.

Avant le développement des chemins de fer, en effet, un voyage en Suisse était non seulement pénible, mais de plus très coûteux. Dès 1722, des jeunes gens de famille de Zurich prirent l’habitude de s’organiser en caravane, ordinairement sous la conduite d’un ecclésiastique, pour voyager en Suisse. Töpffer, on le voit, n’a pas inventé les voyages en zigzag. En 1731, une de ces excursions, dirigée par un sieur Schmuz, établit son itinéraire par Glaris, Altdorf, Brunnen, Einsiedeln, Lucerne, Thoune, Berne et Fribourg. La dépense globale du voyage, pour 9 personnes et 2 domestiques, se monta à 465 gulden. Schmuz demanda en outre, pour sa peine et pour le pourboire des domestiques, 2 gulden de plus à chacun, ce qui portait la part de chaque voyageur à 59 gulden environ, soit en moyenne 2 gulden par personne et par jour. Un trajet identique se ferait aujourd’hui beaucoup plus rapidement, plus confortablement et surtout à meilleur compte.

Si l’on n’était plus obligé de se faire porter en litière par 16 vigoureux gaillards d’Uri, moyen auquel dut avoir recours, en 1504, le légat Raymond de Petrandi, il fallait le plus souvent aller à cheval, parfois à pied, par des chemins médiocres quand ils n’étaient pas détestables. On citait comme un événement extraordinaire la traversée du Saint-Gothard, en phaéton léger, parle naturaliste anglais Graville, le 25 juillet 1775. Les