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leurs canots à pagaie et à proue recourbée en bec de cygne, se faufilant au milieu des gros bâtimens ; sur leur île sans cesse battue des flots, ils sont comme un équipage à son bord ; ils sont marins de naissance et par nécessité. Actifs et intelligens, habitués par de longs siècles de domination étrangère à feindre et à dissimuler, ils ont l’instinct et le goût du négoce. Cette vocation commerciale et la surabondance de la population les ont poussés hors de chez eux ; admirablement adaptés aux conditions de vie et de travail du monde méditerranéen, ils ont essaimé dans les deux bassins de la mer intérieure ; on les retrouve dans tous les ports, exerçant les mêmes métiers, matelots, conducteurs de barques, marchands. Nous les avons signalés à Gibraltar ; à Tripoli, ils sont aussi nombreux que les Italiens ; à Tunis, on en compte plus de 20 000 ; dans tous les ports de la Régence, à Sousse, à Bizerte, il y a une colonie maltaise. En Algérie, ils étaient, en 1901, 13 598, sans compter près de 3 500 « naturalisés, » répartis surtout dans les villes maritimes de l’Est, à Bône, Philippeville, Djidjelli, Bougie, Alger. Ils préfèrent au travail manuel toutes les formes du trafic ; agriculteurs chez eux, ils ne le sont guère à l’étranger. Commerçans habiles et heureux, parfois peu scrupuleux sur le choix des moyens, ils monopolisent presque, dans quelques villes du littoral, certains métiers, notamment ceux qui ont rapport à l’alimentation ; ils sont épiciers, laitiers, marchands de fruits, de légumes, de poissons, débitans de tabac, restaurateurs, cochers ; prolifiques et laborieux, partout ils réussissent, partout ils se multiplient.

Ainsi la France, dans ses domaines africains, est, après la Grande-Bretagne, la puissance qui compte le plus grand nombre de sujets maltais ; ils constituent un des élémens importans de la population de l’Afrique du Nord et entreront, pour une part notable, dans la formation de cette race nouvelle qui s’élabore dans nos possessions barbaresques. Habitués à se plier à tous les régimes, ils sont, en Algérie comme en Tunisie, des sujets dociles, mais très attachés à leurs coutumes et à leur langue, bien qu’ils apprennent volontiers la nôtre. Entre les Maltais d’Algérie et de Tunisie et ceux de l’archipel, les relations et les échanges sont constans. Tel, qui vit sous la loi française, a ses parens, ses frères, ses amis, à Malte, et c’est dans son île natale que souvent il retournera, sur ses vieux jours, et, qu’avec ses économies, il fera bâtir une de ces maisons élégantes et cossues qui donnent